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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
la voie d'un règlement et non pas d'une simple directive, repose sur d'autres
considérations, liées en particulier au fonctionnement démocratique des États
membres (7).
L'affirmation de la liberté des médias n'est pas nouvelle. Comme certains
de ses États membres (8), l'Union européenne l'avait déjà consacrée au plus
haut rang (Charte des droits fondamentaux, art. 11 § 2). L'innovation vient
de ce que le MFA impose aux États d'assurer l'effectivité de cette liberté. En
complément des mesures visant à protéger les journalistes, le Media Freedom
Act prévoit ainsi une série de garanties en faveur de l'indépendance des
médias : protection des rédactions à l'égard des actionnaires, mise à distance
des gouvernements nationaux, dispositifs contre les ingérences étrangères,
nouvelles mesures de la concentration des médias et, pour ce qui nous intéresse,
lutte contre l'emprise des plateformes.
S'agissant de ces dernières, le MFA leur impose d'accorder des droits spécifiques
aux médias, au nom de la liberté dont ils bénéficient. Le projet de règlement
s'inscrit à ce titre dans une dynamique lancée par l'arrêt Google Spain
de 2014 (9) consistant, comme le montre Anastasia Iliopoulou-Penot (10), à
rendre les droits fondamentaux opposables aux plateformes. Comme le droit
au déréférencement qu'ils sont chargés de mettre en œuvre pour protéger la vie
privée des utilisateurs, les opérateurs numériques devront attribuer des « privilèges
» aux médias, la liberté de ces derniers leur étant opposable. Même si
les différents projets de règlement l'affirment discrètement (11), cette opposabilité,
à la base des obligations imposées aux plateformes, marque un moment
politique important.
Les conséquences que le projet de règlement en tire sont cependant
minimes. Dans le monde « réel », c'est-à-dire dans l'espace d'expression
publique « hors ligne », la liberté des médias est finalisée ; elle est conçue au
regard de la fonction politique et sociale exercée par la presse, la radio et la
télévision. La liberté des médias s'accompagne ainsi d'une série de mesures
(7) Ces motivations sont explicites dans le discours sur l'état de l'Union de 2021
prononcé le 15 septembre 2021 par la présidente de la Commission européenne.
(8) Par exemple, la Constitution française, art. 34.
(9) CJUE, 13 mai 2014, aff. C-131/12, Google Spain c./ Agencia Española de Protección
de Datos.
(10) Iliopoulou-Penot A., « La Constitution numérique européenne », RFDA 2023,
p. 945 et s. Comme le suggère l'auteure, les dispositions du DSA selon lesquelles les
plateformes doivent « tenir dûment compte... des droits fondamentaux » des utilisateurs
lorsqu'elles modèrent les contenus qu'ils publient (art. 14 § 4) ouvrent la voie vers
l'opposabilité des droits fondamentaux aux plateformes.
(11) Le projet adopté par le Parlement énonce : « Les fournisseurs de très grandes
plateformes en ligne veillent à ce que les décisions concernant la modération du
contenu et toute autre action qu'ils entreprennent n'aient pas d'incidence négative sur
la liberté et le pluralisme des médias. » (art. 17 § 1).
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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