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DOSSIER - INDÉPENDANCE ET LIBERTÉ DES MÉDIAS
mesures, traitement prioritaire des notifications effectuées par des « signaleurs
de confiance », une série de contraintes procédurales sont imposées aux
plateformes (39) dont la méconnaissance est susceptible, cette fois, de sanctions
(40). Le Media Freedom Act prolonge ces dispositions, en accordant un
privilège procédural aux médias lorsqu'ils font l'objet de restriction : motivation
a priori (et non pas ex-post) ; traitement prioritaire des réclamations.
Rivé sur la question de la modération, le MFA ne s'empare pourtant pas du
sujet principal, celui du risque d'« invisibilisation » auquel les algorithmes et
les fonctionnalités des plateformes exposent les médias. On retrouve probablement
ici une autre marque de l'influence du Premier Amendement, qui exclut
toute idée d'ingérence dans l'organisation des espaces d'expression publique.
Sur ce point, cependant, le MFA reste bien en retrait, au regard des perspectives
qu'ouvre le Digital Services Act. Et c'est en réalité dans ce texte que se
trouvent les outils les plus puissants pour maîtriser l'emprise des plateformes.
Le DSA ne se contente pas en effet d'encadrer les décisions individuelles
relatives à tel ou tel contenu. Il s'empare de l'organisation à grande échelle de
l'espace numérique en posant des obligations de moyens assorties d'objectifs
d'intérêt général. Les « très grandes » plateformes et « très grands » moteurs
de recherche - plus de 45 millions d'utilisateurs mensuels, il s'agit en pratique
des GAFAM (41) - sont tenus d'évaluer les « risques systémiques » auxquels
leurs algorithmes et fonctionnalités exposent le public, ces risques couvrant
non seulement ceux liés à la diffusion de contenus illicites mais aussi les
« effets négatifs réels ou prévisibles » produits sur « le discours civique », la
« sécurité publique », le « bien-être physique et mental des personnes », ou
encore sur l'exercice des droits fondamentaux, comme la dignité de la personne
humaine, le principe de non-discrimination ou, pour ce qui nous intéresse, la
liberté et le pluralisme des médias (42). Les plateformes sont ainsi tenues de
mesurer leur impact sur l'individu, la société et la vie démocratique (43), ces
évaluations faisant l'objet, tous les ans, d'un audit indépendant dont le rapport
est rendu public (44). Surtout, elles doivent adopter des mesures d'« atténuation
» des risques identifiés (45). Le vocabulaire employé ne doit pas masquer
les ambitions du DSA : les GAFAM sont placés sous la surveillance
(39) Les contraintes varient selon la taille des plateformes, le DSA établissant une
distinction entre les opérateurs selon qu'ils sont de simples hébergeurs, des plateformes
ou des « très grandes plateformes ».
(40) Les sanctions sont prononcées par les autorités nationales ou par la Commission,
compétente concernant les « très grandes plateformes » (DSA, art. 56).
(41) DSA, art. 33 § 1.
(42) DSA, art. 34 § 1.
(43) Voir sur ce point l'exposé des motifs du DSA, § 79 et s.
(44) DSA, art. 42 § 4.
(45) DSA, art. 35, qui par ailleurs dresse la liste non exhaustive de mesures d'« atténuation
».
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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