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ANNE-LAURE GIRARD
travail sur les bonnes pratiques au sein des juridictions administratives et fait
poindre la déontologie dans les allocutions du vice-président (26). On vante
alors les bienfaits d'une « déontologie bien pratiquée » qui « permet de réduire
les cas de procédures disciplinaires » (27). Cette morale professionnelle est
conçue comme un appendice du pouvoir disciplinaire, offrant, par sa logique
de prévention, de supplanter la répression. Les références feutrées à l'incident
de 2005 dans les discours suggèrent toutefois que la déontologie n'est pas
seulement utile mais aussi indispensable. Comme si, selon un schéma familier
aux juristes (28), la nécessité pouvait fonder des règles en dehors du droit.
L'exaltation des influences extérieures conforte cette présentation de la
naissance de la charte comme soustraite à toute décision propre au viceprésident.
Les propos de Christian Vigouroux, devenu depuis lors président
du collège de déontologie de la juridiction administrative, sont, à cet égard,
symptomatiques. Il dépeint en effet la charte comme le fruit de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme relative à l'article 6, § 1.
Elle symboliserait ainsi une conversion toujours plus poussée de la juridiction
administrative française à la théorie de l'apparence qui justifie que les
juges « mettent sur table » les « règles de base, non pour se justifier mais
pour expliquer le mode de production des décisions ». Christian Vigouroux la
relie encore à la recommandation du Conseil de l'Europe soulignant, en 2000,
l'importance pour les États membres d'élaborer un code de déontologie pour
l'ensemble de leurs agents publics (29). La charte est enfin conçue comme
une simple participation à l'élan déontologique général qui a saisi les juridictions
françaises comme étrangères.
La démonstration de ce que la charte procède d'une coconstruction atténue
encore toute expression d'un pouvoir personnel du vice-président. Loin d'être
le fruit d'une écriture personnelle, le texte émane de plusieurs groupes de
travail, constitués en 2005, 2007 et 2009, composés de membres du Conseil
d'État, de magistrats administratifs, de chefs de juridictions, de représentants
(26) V. par ex. Sauvé J.-M., discours d'installation, 3 oct. 2006 et id., « Les enjeux
et les défis de la juridiction administrative », discours, 17 mars 2008. V. également la
présentation du rapport public 2008 par J.-M. Sauvé résumée par Montecler (de) M.-C.,
« Le commissaire du gouvernement est mort ! Vive le rapporteur public ! », Dalloz
Actualité 1er
juill. 2008 : « Le troisième axe de la réforme consiste à " accroître l'ouverture
et la responsabilité de la juridiction administrative " ». Nous devons, estime JeanMarc
Sauvé, « rendre davantage compte de nos activités à la société, aux pouvoirs
publics et à tous nos interlocuteurs », ce qui passe, notamment, « par [...] la publication
d'un guide de déontologie des magistrats administratifs et la création d'une instance de
suivi de ces questions ».
(27) V. Vigouroux C., « Déontologie du juge administratif », RFDA 2017, p. 8.
(28) V. not. Saint-Bonnet F., L'État d'exception, 2001, PUF, Leviathan.
(29) Vigouroux C., in Gonod P. et Vigouroux C., « À propos de la charte de déontologie...
», art. préc., p. 875 et s.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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