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ANNE-LAURE GIRARD
présentés comme extérieurs et détachés de toute démarche volontariste. La publication
originelle de la charte, accompagnée de la mention « Version 2011 »,
affadit toutefois d'emblée l'idée que le texte se bornerait à une codification à
tradition constante. La deuxième version, établie en 2017, et qui intègre des
recommandations relatives à l'usage des réseaux sociaux, la dément.
B. - Atours du droit
L'inclination à imiter les apparences du droit n'a pas été poussée au point
de couler la déontologie de la juridiction administrative dans un code. C'est
ainsi du nom de charte, évoquant bien davantage la vogue du droit souple
que l'image du droit classique, que le document accueillant les principes et
bonnes pratiques de la profession de juge administratif a été baptisé. Comme
en témoigne son avis sur le bilan de 1992 de la charte des services publics, le
Conseil d'État était particulièrement averti de ce que la notion de charte est
« étrangère aux traditions juridiques françaises » et porteuse, par sa rédaction
même, de « risques réels d'ambiguïté » (36). Pourtant, la conception même de
la charte de déontologie n'a pas échappé à l'écueil des ambivalences.
De prime abord, la présentation même du document conforte l'idée d'une
simple œuvre de pédagogie et incite à le classer parmi cette masse florissante
d'actes communicationnels, qui rassemblent, simplifient et illustrent
les règles que l'on destine le plus souvent au grand public (37). Répartie au
sein d'un plan simple et thématique, la déontologie de la juridiction administrative
s'exprime, sur chaque sujet, par le rappel des principes suivi de
l'énoncé des bonnes pratiques. Ces dernières, par leur degré de précision et
de concrétisation, s'éloignent de la généralité dont on voudrait encore croire
qu'elle forme l'une des marques des normes juridiques. Ainsi précise-t-on
par exemple qu'« il est également possible, en règle générale, de faire état de
sa qualité de membre de la juridiction administrative pour des interventions
à caractère technique sur des sujets administratifs ou juridiques, même dans
des publications n'ayant pas de vocation universitaire ou scientifique ; mais
la précision selon laquelle les propos tenus n'engagent pas l'institution peut
alors être bienvenue » (38).
Mais une seconde lecture de la charte fait bien vite apparaître, en filigrane,
le reflux des réflexes juridiques et l'incapacité à imaginer une forme
neuve pour exprimer ces principes déontologiques. La charte s'ouvre par un
avant-propos qui rappelle par trop un exposé des motifs ou un préambule.
(36) Gonod P., in Gonod P. et Vigouroux C., « À propos de la charte de déontologie...
», art. préc., p. 877.
(37) V. par ex. Bartolucci M., « L'État communiquant et la norme numérique »,
Dr. adm. 2021, n° 10, p. 13 à 17.
(38) V. charte de la déontologie de la juridiction administrative, bonnes pratiques,
art. 45.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

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