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ANNE-LAURE GIRARD
La redistribution du pouvoir de nomination des membres du collège de déontologie
de la juridiction administrative affadit encore l'image d'une morale
interne et maîtrisée par la communauté. Créé et installé par le vice-président
du Conseil d'État en mars 2012, composé de deux membres élus - un membre
du Conseil d'État et un membre du corps des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel - et d'un membre désigné par le vice-président,
le collège de déontologie apparaissait comme la chose des juridictions administratives
jusqu'à ce que la loi introduise une double altérité. D'une part,
elle augmente le collège d'une personnalité extérieure désignée alternativement
par le premier président de la Cour de cassation parmi les magistrats
en fonction à la Cour de cassation et par le premier président de la Cour
des comptes parmi les magistrats en fonction à la Cour des comptes. D'autre
part, elle confie la désignation de la personnalité qualifiée au président de la
République, le vice-président conservant alors une puissance propositionnelle.
Sorti de l'ombre de l'ordre moral intérieur, paré d'un fondement textuel, le
pouvoir déontologique accède à la scène juridique. Et, cette consécration par
le droit conduit, selon les schèmes classiques à la reconnaissance d'authentiques
actes juridiques : « Derrière l'acte juridique, il y a toujours le pouvoir
juridique dont l'acte n'est que l'exercice » (52).
B. - Recours contre la charte
L'admission de recours contre les deuxième et troisième versions de la
charte, respectivement adoptées en mars 2017 et mars 2018, parachève la juridicisation
de la déontologie des juridictions administratives (53). Non sans
paradoxe pour le justiciable que l'on cherchait à rassurer sur l'impartialité
de la justice administrative à grand renfort de déontologie affichée, les deux
recours sont jugés le 25 mars 2020 par le Conseil d'État lui-même.
Le Conseil d'État orchestre une banalisation de la charte en lui appliquant
les canons du raisonnement juridictionnel. En premier lieu, l'examen
de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir ne suppose ici aucune
construction intellectuelle spécifique mais une simple duplique implicite de
la logique déjà à l'œuvre dans sa décision du 27 avril 2011, Association
FORMINDEP (54). Le Conseil d'État avait alors admis la recevabilité du
recours dirigé contre les recommandations de bonnes pratiques adoptées par la
(52) Jèze G., Les principes généraux du droit administratif, t. 1, 3e
rééd. 2005, Dalloz, Bibliothèque Dalloz, p. 8.
(53) V. respectivement CE, 4e
éd., 1925,
et 1re ch. réunies, 25 mars 2020, n° 411070, M. B. A.
et CE, 4e et 1re ch. réunies, 25 mars 2020, n° 421149, Syndicat de la juridiction administrative.
V. par ex., pour le commentaire de ces décisions, Seiller B., « Recevabilité
du recours contre la charte de déontologie de la juridiction administrative », note sous
CE, 4e
(54) CE, 1re
et 1re ch. réunies, 25 mars 2020, n° 411070, Gaz. Pal. 9 juin 2020, p. 29 et 30.
et 6e
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023
ss-sect. réunies, 27 avr. 2011, n° 334396, Association FORMINDEP.
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