Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023 - 98

1502
MARLON FERRERI
juridictionnel des « lois du pays ». Cette dénomination a permis de concilier
les velléités d'autonomie renforcée, voire d'indépendance, des instances
politiques représentatives calédoniennes, avec l'appartenance à la République
française, en donnant l'impression de l'existence d'un véritable législateur
local dont les actes seraient contrôlés, à l'instar du législateur national, par
le Conseil constitutionnel. Le Conseil apparaîtrait ainsi comme un véritable
« juge fédéral » (11) fondant sa compétence dans le titre XIII de la Constitution.
Un tel titre constituerait une « Constitution bis » (12), incluse dans la
Constitution de 1958 « à la façon des poupées russes » (13). Retenir une telle
conception conduit à souligner le caractère tout à fait singulier du régime juridique
de la Nouvelle-Calédonie, justifiant par là même son caractère de collectivité
sui generis.
Toutefois, s'il convient de reconnaître que la Nouvelle-Calédonie « bénéficie
notamment d'une certaine autonomie politique » (14), on peut ne pas
aller jusqu'à dire qu'elle abrite un second législateur équivalent au législateur
national, d'autant plus que les compétences régaliennes échappent au Congrès
local. Les lois du pays reflètent néanmoins la « souveraineté partagée » consacrée
dans l'accord de Nouméa (15). Il est à noter que l'article 99 de la loi
organique donne une définition matérielle plus que formelle, qui illustre une
qualité du Congrès calédonien qui n'est pas partagée par le Parlement français.
En effet, si le Congrès intervient hors des matières énoncées dans ledit article,
les actes qu'il adoptera ne pourront être qualifiés de lois du pays. Ils revêtiront
alors la forme de « simples règlements, soumis en tant qu'actes administratifs
réglementaires, au contrôle de légalité » (16) accompli par le juge administratif.
Au contraire, si le législateur national adopte un acte relevant du domaine
réglementaire, cet acte conservera sa force législative - jusqu'à l'aboutissement
d'une procédure de déclassement éventuelle et la modification réglementaire
de la disposition déclassée. Cette différence constitue un élément
important de définition de la loi du pays.
D'après un rapport parlementaire, le fait que le titre XIII de la Constitution
renvoie à l'accord de Nouméa permettrait à la loi du pays d'apparaître
ipso jure comme « une véritable catégorie de normes définie par la Constitution
» (17), constituant ainsi une novation juridique importante, mais portant
(11) Ibid.
(12) Diemert S., « L'ancrage constitutionnel de la France d'outre-mer », in L'outre-mer
français, 2004, Doc. fr., p. 79.
(13) Carcassonne G., La Constitution, 10e
éd., 2011, Seuil, p. 369.
(14) « Statut particulier : Nouvelle-Calédonie », Direction générale des Collectivités
locales (DGCL), www.collectivites-locales.gouv.fr/institutions/collectivites-doutre-mer.
(15) V. le préambule de l'accord.
(16) Brard Y., « Nouvelle-Calédonie et Polynésie française... », art. préc., p. 4.
(17) Tasca C., Rapport sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la NouvelleCalédonie,
Doc. AN, 2 juin 1999, rapport n° 1665, p. 30.
REVUE DU DROIT PUBLIC - N° 6-2023

http://www.collectivites-locales.gouv.fr/institutions/collectivites-doutre-mer

Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023

Table des matières de la publication Revue - Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger 6-2023