Revue - Revue française de finances publiques n°161/2023 - 84

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Revue Française de Finances Publiques
quand on voit qu'on dit qu'on va recentraliser le RSA, quand on voit
que l'État transfère à la région la compétence transports, qu'on fait une
répartition des ressources différentes dans le cadre de la suppression
de la TH, est ce que l'État n'a pas comme projet secret, comme
fantasme, de dire que l'on va supprimer les départements mais petit à
petit. Avec un scénario machiavélique de supprimer progressivement
les compétences du département pour ensuite dire que la coquille
étant vide, on peut supprimer la collectivité départementale car elle
n'a plus d'utilité. Ce fantasme d'État ne signifie pas la suppression
de la circonscription administrative départementale de l'État mais au
contraire son renforcement.
Il a été question de recentraliser la protection de l'enfance qui
relève de la compétence des départements et cela renvoie au budget
du ministère de la Justice qui est divisé en plusieurs programmes.
On connaît le programme de la justice judiciaire et celui de
l'administration pénitentiaire qui sont les deux plus importants mais
on connaît moins le programme de la protection judiciaire de la
jeunesse qui permet de financer les dépenses relatives aux placements
d'enfants et de jeunes soit en famille d'accueil soit en établissements
spécialisés. Ce programme dépense 1 Md d'euros pour 2022 dont
84 % servent à mettre en œuvre les décisions judiciaires. On s'imagine
que ce milliard d'euros est suffisant. En réalité, il ne l'est pas car la
plupart des décisions judiciaires qui sont le plus souvent celles des
juges des enfants sont mises en œuvre par les présidents des conseils
départementaux pour qui il s'agit d'une dépense obligatoire financée
par les budgets départementaux. Ces dépenses de protection judiciaire
de la jeunesse prises en charge par les départements représentent les
2/3 des crédits de l'aide sociale à l'enfance (8,29 Mds d'euros pour
2021), soit 5,5 Mds d'euros, soit plus de 5 fois plus que la dépense
correspondante dans la mission justice du budget de l'État. Vu d'en
bas, ce mécanisme de décentralisation aboutit à ce que j'appelle
une dépense obligatoire aveugle dès lors que le département n'a
absolument aucune prise sur l'engagement de la dépense qu'il doit
assumer alors même qu'elle relève de la solidarité nationale.
Monsieur le président, vous avez saisi le Tribunal administratif de
Bordeaux dans une affaire qui a fait grand bruit parmi les personnes
qui s'intéressent à la décentralisation et aux rapports financiers qui
existent entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, il y a eu
un conflit pour le pacte de Cahors entre le département de la Gironde
et le Préfet de département. Il faut savoir qu'un peu moins de la moitié
des départements de France ont refusé de signer les contrats car leur
RFFP n° 161 - Février 2023
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