Revue - Revue française de finances publiques n°163/2023 - 103

Le rôle de l'investissement public dans la transition écologique
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légèrement différente puisque leur objet principal est de rapprocher le
prix de marché du coût social, et non d'accélérer la transition écologique.
Si ces subventionnements ou ces taxes étaient volontairement
supérieures à ce que l'internalisation de l'externalité imposerait, elles
pourraient être considérées comme des politiques d'investissement en
faveur de la transition écologique.
2. L'investissement public peut aller plus loin en cherchant à financer
un programme entièrement déterminé par l'État ; il ne s'agit donc pas
d'accompagner le marché ou de résoudre certaines de ses défaillances.
L'État peut décider d'investir pour le développement d'une technologie
particulière dont le choix n'est pas déterminé par le marché mais par
une volonté purement politique.
L'objectif de l'investissement public est alors d'accélérer les
changements. Le marché pourrait sans doute atteindre cet objectif sans
investissement public mais il ne pourra le faire que sur le temps long. Par
l'investissement public orienté vers des objectifs clairs, le risque pris par
des investisseurs privés dans ces secteurs est naturellement réduit. Il est plus
facile de convaincre un investisseur privé d'investir dans le développement
de réacteurs nucléaires innovants s'il sait que l'investissement privé
s'accompagnera de subventions publiques sur la durée. Mieux, il sera plus
rentable pour des investisseurs privés d'investir dans des technologies de
support : le développement de la filière nucléaire pose naturellement la
question du transport et du recyclage des déchets, voire du stockage du
combustible. De même, l'investissement dans les technologies de stockage
de l'hydrogène peut constituer une stratégie intéressante non en raison de
subventions publiques mais en raison des conséquences de ces subventions
sur la demande pour ce type de technologie.
L'investissement public peut également créer ou amorcer ce
processus. C'est la volonté politique qui a conduit au développement
du programme Apollo aux États-Unis ou au développement de
la filière nucléaire en France ; il n'est pas certain que sans volonté
politique de tels résultats aient été atteignables. La volonté politique de
s'engager dans les technologies de rupture ou dans le financement de
telles technologies (par nature très risquées) peut accomplir plus que la
volonté d'un investisseur privé. D'une part, les ressources mobilisables
sont bien différentes et presque illimitées (notamment si l'État peut luimême
créer sa monnaie12
). D'autre part, l'annonce d'investissements
12. Pour MAZZUCATO, c'est précisément parce que l'État peut créer sa monnaie qu'il doit
se faire investisseur en premier ressort. En effet, la prise de risque est alors « amortie »
par la création monétaire.
RFFP n° 163 - Septembre 2023
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