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Les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique
Les jugements de ce tribunal condamnent l'État en prenant appui
sur le raisonnement élaboré précédemment dans le contentieux initié
par les associations, en ce qui concerne la faute et le préjudice
subi. Le contentieux des algues vertes est original dans la mesure
où, face à une pollution diffuse, la carence fautive tient à l'inefficacité
globale d'une politique publique. Plus exactement, cette affaire
rejoint en cela celles qui, en matière sanitaire, ont conduit à stigmatiser
les impuissances, incuries de l'État ou retards dans son action.
Qu'il s'agisse de l'amiante, du sang contaminé ou des algues vertes,
sont pointés des dysfonctionnements globaux, ou des « défaillances
d'une politique générale »8
. Ces affaires ouvrent donc un registre de
responsabilité administrative spécifique : le juge administratif saisi
d'un contentieux subjectif ponctuel est en réalité juge d'une action
publique dans sa globalité. Dans le contentieux des algues vertes,
on constate d'ailleurs que le juge administratif a recours aux analyses
de la Cour des comptes qui examine précisément les failles des
politiques publiques. Celle-ci s'est de nouveau saisie de ce sujet en
2020 afin d'évaluer l'efficacité de la politique publique menée9
.
IV.
Les enjeux du contentieux des algues vertes
La prolifération des ulves démontre que l'État est pris en étau,
enserré entre le respect de la réglementation sur la qualité des
eaux, d'une part, et le désir de répondre aux attentes et pressions
des agriculteurs, d'autre part. Le contentieux indemnitaire qui se
noue est également la conséquence d'une politique agricole qui
mêle incitation et contrainte de manière confuse, qui mise sur les
instruments volontaires et y ajoute un laxisme avéré dans les régularisations
et les contrôles10
. Cette confusion entretenue confirme
l'idée de Pierre Lascoumes et Jean-Pierre Le Bourhis selon laquelle
la police de l'eau est un exemple significatif de l'indulgence administrative
et des « passe-droits et passes du droit »11
. Mais il est intéressant
de constater que le juge peut, à travers le constat d'une
8. VANLANG A., note sous CAA Nantes, 1er
déc. 2009, no 07NT03775, Ministre d'État, ministre de
l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer c/Association Halte aux
marées vertes et autres, AJDA 2010, p. 900.
9. VALO M., « Évaluer l'action publique contre les algues vertes : une gageure », Le Monde,
19 févr. 2020. V. infra p. 84, note 15.
10. INSERGUET-BRISSET V., Droit de l'environnement, PUR, 2005, pp. 235, 255 et 272 ; BELRHALI-BERNARD
H., « Le droit de l'environnement : entre incitation et contrainte », RDP 2009, p. 1689.
11. LASCOUMES P., LEBOURHIS J.-P., « Des " passe-droits " aux passes du droit. La mise en œuvre
socio-juridique de l'action publique », Droit et société, 1996, no
32, p. 61 et p. 64 ; v. aussi
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