Systèmes - Les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique - 2e - 115

L'«Affaire du siècle»
écologique9
Ce jugement commence par établir l'existence d'un préjudice
.L'accent est mis sur la réalité de la menace climatique
en prenant appui sur des études scientifiques et rapports de diverses
instances. Est ensuite démontrée la faute de l'État. Mentionnant
le droit interne et le droit international, le jugement souligne que les
autorités françaises ont reconnu l'urgence climatique et se sont
engagées à lutter contre le changement climatique. Puis il analyse
les efforts réalisés par ces autorités pour considérer qu'il n'y a pas
de faute quant à la politique menée en matière d'efficacité énergétique,
ni pour ce qui concerne les énergies renouvelables. En revanche,
le tribunal relève une faute quant à la politique de réduction des
émissions de gaz à effet de serre et donc une aggravation du préjudice
écologique évoqué. Il rejette la demande de réparation pécuniaire
des associations en application de l'article 1249 du Code civil,
qui impose une réparation en priorité en nature. Les associations
espéraient surtout obtenir du juge le prononcé d'une injonction
pour que soient adoptées des mesures plus efficaces de lutte contre
le réchauffement climatique. Le tribunal considère effectivement
que les injonctions demandées constituent la réparation en nature
du préjudice écologique reconnu. Par ailleurs, il indemnise le préjudice
moral des associations à hauteur d'un euro. Ne pouvant statuer
ultra petita, il ne pouvait dépasser ce montant résultant du chiffrage
de la requête. L'essentiel pour les associations était ailleurs.
Conformément à leur attente, le tribunal administratif a donc
admis la faute de l'État pour l'insuffisance de ses efforts de réduction
des gaz à effet de serre et reconnu partiellement le préjudice
écologique invoqué. Quant aux injonctions tant attendues, elles ne
sont pas d'emblée prononcées par le tribunal qui décide une mesure
d'instruction. En octobre 2020, il a en effet demandé au gouvernement
de préciser les mesures déjà prises. Celui-ci n'a répondu que
fin janvier 2021, soit huit jours avant l'audience, et ses observations
n'ont pas pu être communiquées aux associations requérantes. Le
jugement exige donc un supplément d'instruction, assorti d'un délai
de deux mois, pour décider de l'injonction à prononcer.
Le jugement rendu est audacieux et bienvenu. Tant l'établissement
du lien de causalité que la reconnaissance de l'obligation
d'agir de l'État pouvaient faire débat. En dépassant ces obstacles,
le juge administratif contribue à renforcer la juridicité de la lutte
9. TA Paris, 3 févr. 2021, nos 1904967, 1904972, 1904976/4-1, AJDA 2021, p. 705, trib. BELRHALI ;
Dr. adm., no 6, juin 2021, comm. 28 DEFFAIRI ; JCP E,no 11, 15 mars 2021, p. 305, note TORRESCHAUB
; JCPA,no
12, 22 mars 2021, p. 2088, note TORRE-SCHAUB et BOZO.
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