Systèmes - Les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique - 2e - 181

La France et Vichy
II.
Déportation de personnes juives : le Conseil
d'État face aux demandes indemnitaires
en 2009
Le 14 mai 1941, Joseph Kaplon est arrêté lors d'une rafle à Paris
qui a concerné 3 700 personnes, en très grande majorité juives, dont
3 400 sont de nationalité polonaise, comme lui. Déporté à Auschwitz,
il n'en est jamais revenu. Sa fille (Mme Hoffman-Glémane) engage
en 2006 une action en responsabilité devant le tribunal administratif
de Paris : elle poursuit à la fois la SNCF et l'État et demande leur
condamnation solidaire.
Quant à la SNCF, cette condamnation est exclue par un précé)
pour la déportation des perdent
jurisprudentiel. Dans l'affaire Lipietz, le tribunal de Toulouse a
en effet condamné la SNCF (et l'État5
sonnes juives. La cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le
Conseil d'État, ont annulé le jugement sur ce point en considérant
que le juge administratif n'est pas compétent pour se prononcer
sur la responsabilité de cette personne privée. Chargée d'un service
public industriel et commercial, la SNCF, selon le Conseil d'État,
n'agissait pas dans l'exercice de prérogatives de puissance publique
- position pour le moins surprenante - en assurant l'exécution du
transport des personnes déportées. Le Conseil d'État a confirmé le
raisonnement de la cour sur l'absence d'autonomie de la SNCF dans
l'organisation des déportations par trains6
considère que les actions contre la SNCF sont prescrites7
. Or, le juge judiciaire
. Toute
action indemnitaire contre elle est donc vouée à l'échec.
Quant à la responsabilité de l'État, le tribunal administratif de
Paris fait le choix de saisir le Conseil d'État d'une demande d'avis
contentieux pour résoudre les questions soulevées.
5. TA Toulouse, 6 juin 2006, no
0104248, Lipietz ; AJDA 2006, p. 2292, note CHRESTIA ; RDP 2006,
p. 1715, note JOBART. Le tribunal a refusé de considérer la créance des victimes comme
imprescriptible, a appliqué à l'État la prescription quadriennale et déterminé le point de
départ du délai de manière originale. Il a estimé que les requérants « doivent être regardés
comme ayant légitimement ignoré l'existence d'une créance qu'ils pouvaient avoir contre
l'État » jusqu'à la publication de l'arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 6 avril 2001, Pelletier.
La publication de l'arrêt au Recueil Lebon ayant eu lieu en août 2003, le délai court à
partir du 1er
janvier 2004 et jusqu'au 31 décembre 2007. La plaidoirie de Me Rouquette
devant le TA de Toulouse est retranscrite dans ARON M., Les grandes plaidoiries des ténors
du barreau, Tome 2, Jacob-Duvernet, 2013, p. 164 et s.
6. CE, 21 déc. 2007, Lipietz, Lebon, p. 540.
7. CA Paris, 8 juin 2004, no
2003-12747, Schaechter
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