Systèmes - Les grandes affaires de responsabilité de la puissance publique - 2e - 51

L'amiante
VII.
L'actualité et l'avenir de l'affaire de l'amiante
Des contentieux relatifs au préjudice d'anxiété de salariés
(aujourd'hui retraités) qui ont été exposés à ce matériau durant
leur carrière continuent de donner lieu à des saisines en matière
civile38
. Du point de vue pénal, l'attente des victimes est jusque-là
déçue, comme nous l'avons vu.
Quant aux actions engagées contre l'État devant la juridiction
administrative, elles tiennent en plusieurs milliers de recours de
justiciables faisant face à l'insolvabilité des employeurs ou visant à
compléter l'indemnisation octroyée39
. Ces demandes vont également
se tarir. Le Conseil d'État a en effet refusé de considérer le préjudice
d'anxiété comme un préjudice continu et évolutif. Cette qualification
aurait permis d'envisager une action pour chaque nouvelle année de
constitution de ce préjudice. À l'inverse, dans un avis contentieux du
19 avril 202240
, le juge administratif suprême éclaire les juridictions
du fond en considérant que le point de départ du délai de prescription
est lié à la date de publication de l'arrêté qui inscrit l'établissement
(qui employait le demandeur) dans la liste de ceux ouvrant
droit à l'ACAATA. Ainsi, à partir du 1er
janvier de l'année suivant cet
arrêté, il faut compter quatre ans avant que l'action soit prescrite.
Cette approche du préjudice, constitué à la date où la personne est
informée de l'existence d'un risque, est tout à fait discutable : elle
enserre les victimes dans une temporalité qui ne dépend pas du
moment où elle commence à ressentir une anxiété plus forte, par
exemple en avançant en âge, mais de la date d'un arrêté. Un arrêt
du Conseil d'État du 22 décembre 2023 aboutit ainsi à rejeter une
requête présentée en 2021 par un ouvrier ayant travaillé à l'arsenal
de Toulon jusqu'en 1998, l'établissement ayant été inscrit en 200141
.
,
En cela, le Conseil d'État suit la position de la Cour de cassation42
mais l'on ne peut que regretter que le temps rattrape des requérants
qui pourraient souffrir un jour de ce que l'État a, lui, pris son
temps pour interdire un matériau dangereux.
38. « Amiante : plus de 1 200 personnes poursuivent Renault Trucks devant les prud'hommes
», Le Monde-AFP, 12 mars 2019. Ces actions concernent le site de Vénissieux. Selon
le journal Le Progrès, le Tribunal des prud'hommes de Lyon a débouté 56% des salariés.
Ce site a fait l'objet d'un « classement » amiante en 2024.
39. Concl. SKZRYERBAK sur CE, avis cont., 19 avr. 2022, nº 457560, RFDA 2022, p. 551.
40. CE, avis cont., 19 avr. 2022, nº 457560.
41. CE, 22 déc. 2023, nº 474885.
42. Cass. soc., 15 déc. 2021, nº 20-11046.
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