Droit civil - Droit des régimes matrimoniaux - 9e - 170

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DROIT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX
II. - Emploi et remploi
185. Les quatre problèmes. - L'emploi et le remploi sont des opérations beaucoup
plus courantes et constituent des actes de bonne gestion. Dans l'emploi, une
somme d'argent propre est utilisée afin d'acquérir un bien ; dans le remploi, cette
somme provient de la vente d'un bien propre. Dans les deux cas, le bien nouveau
devient-il propre par subrogation réelle ? La question sera exposée en s'attachant
surtout au remploi, dont l'emploi n'est que la transposition simplifiée. Malgré les
précisions apportées par la loi de 1965 qui a supprimé plusieurs incertitudes du
droit antérieur, la matière laisse encore place à des questions ouvertes.
Quatre problèmes se posent. Pour les comprendre, on ira de la situation normale
à des hypothèses qui le sont moins.
Le processus normal du remploi est le suivant : 1) un époux vend un bien qui lui
est propre et encaisse le prix de vente ; 2) il achète ensuite un bien nouveau,
déclare dans l'acte d'achat effectuer un remploi et paye le prix d'acquisition
avec les deniers provenant de la vente antérieure80
. Afin qu'il soit certain que les
deniers qui ont permis l'acquisition aient une origine propre et que puisse s'exercer
la volonté de l'époux acquéreur - car l'emploi ou le remploi ne s'imposent
jamais -, la loi veut que des formalités soient remplies ; la subrogation réelle ne
joue donc pas de plein droit, elle est subordonnée à une double déclaration (A).
Ce schéma peut être perturbé de deux manières, lorsque le remploi se dégrade
en partie. Ou bien, la chronologie des opérations est modifiée (B). Ou bien, il
existe une différence de valeur entre le bien ancien et le bien nouveau, ce qui
suscite une difficulté identique à celle que pose l'échange inégal (C).
A. DOUBLE DÉCLARATION
186. Unilatérale. - Afin d'écarter la présomption de communauté et les conséquences
résultant de la fongibilité de la monnaie, c'est-à-dire afin d'attribuer au
bien acquis un caractère propre qui soit indiscutable, il faut que dans l'acte d'acquisition
soit mentionnée une double déclaration d'origine des deniers et d'affectation,
exprimant la volonté d'effectuer un remploi (art. 1434)81
. Cette double
déclaration est unilatérale et n'est pas subordonnée au consentement du
conjoint82
. Elle confère au nouveau bien la nature d'un propre tant entre époux
qu'àl'égard des tiers.
80. Souvent le prix est payé partiellement au moyen d'un prêt. Si la somme est prêtée pendant la
durée du régime, elle constitue un bien commun, sauf pour les comptes et les plans épargne-logement
ouverts avant le commencement du régime (CCH, art. L. 315-1 à L. 315-7, R. 315-1 à R. 315-42), où
une partie des sommes remises à l'épargnant constitue le remboursement des dépôts qu'il avait faits
antérieurement ; s'y ajoutent des primes, qui sont l'accessoire des dépôts. Si les dépôts ont été effectués
avec des fonds propres, ils sont propres, par l'effet d'une subrogation réelle immédiate. Comp.
pour des fonds propres déposés dans un compte d'épargne personnel : * Cass. 1re
dame Bejannin, cité supra, no
civ., 3 nov. 1983,
183.
81. Une seule déclaration, notamment celle de l'origine des deniers, serait insuffisante. Ex. :
Cass. civ., 20 août 1872, DP 1872.I.406 ; S. 1873.I .5 : « à défaut d'une indication manifestant, sinon
en termes exprès, au moins d'une manière non équivoque, la volonté de faire un remploi, la seule
déclaration de l'origine des deniers était insuffisante pour que les droits acquis par le défendeur (le
mari) dans la société nouvelle lui sortissent en nature de propre » (sic).
82. * Cass. 1re
civ., 19 mai 1998, Goeneutte, Bull. civ. I, no
obs. A. Tisserand ; Defrénois 1998, 466, obs. G. Champenois : « l'emploi ou le remploi est un acte unilatéral
et n'est pas subordonné au consentement du conjoint » ; sur cet arrêt, v. aussi infra, no
175 ; JCPG 1998.I.183, 1o
190.
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