Manuel - Introduction au droit européen - 3e - 145

L'intégration économique européenne
d'appliquer le droit européen tel qu'interprété par la Cour, et ne pourra pas
donner d'effet à l'acte qu'elle aurait jugé invalide.
Mais plus profondément, la jurisprudence a tiré toutes les conséquences
de la fonction d'uniformisation du droit européen dévolue à la procédure préjudicielle.
Ainsi, l'acte jugé invalide dans une affaire devra être tenu pour tel
dans tous les États membres, sans besoin d'un nouveau renvoi. De même,
l'interprétation rendue s'imposeraàl'endroit de tous les États membres, et à
toutes leurs juridictions - ce qui a justifié l'image doctrinale de l'« autorité de
la chose interprétée », aussi efficace qu'incertaine.
Cette extension de l'autorité au-delà de l'affaire qui l'a provoquée est garantie
tant par l'irrecevabilité des renvois préjudiciels redondants que par l'action
en manquement à laquelle se trouverait exposé l'État dont les organes,
y compris juridictionnels, auraient ignoré la position de la Cour européenne.
Or, parce que le juge national est le principal exécutant du droit européen, le
renvoi préjudiciel est la véritable pierre angulaire de la construction juridique
de l'Union européenne, considérée à juste titre comme sa « clause fédérale ».
Et certainement, la procédure de la question préjudicielle a été une rupture
très forte avec les techniques classiques du droit international. Novatrice et
sans précédent au début de la construction, elle est encore à ce jour sans
égal dans le monde des affaires internationales, même si elle a pu inspirer
des procédures qui s'en approchent un peu, ici (c'est le cas de la saisine préjudicielle
de la Cour européenne des droits de l'homme en vertu du protocole
nº 16) et là (on songe par ex. au renvoi préjudiciel au juge de l'Union économique
et monétaire de l'Afrique de l'Ouest, ou au cas de la Cour de la Communauté
économique et monétaire de l'Afrique Centrale).
Mais si la procédure du renvoi préjudiciel est si importante, c'est précisément
parce qu'elle demeure, encore à ce jour, absolument nécessaire. En
effet, ce qu'elle montre en creux, c'est l'inexistence d'une organisation hiérarchique
unique garantissant l'exécution du droit européen. Cette dernière est
encore laissée, pour l'essentiel et à ce jour, aux États.
§3. Exécution : persistance de l'État
et nature de l'Union européenne
127. Le droit européen est certainement un ordonnancement juridique
original, qui aspire à s'intégrer aux ordres nationaux par le jeu de
l'effet direct et de la primauté (A). Mais la fonction d'exécution est restée
une prérogative étatique, ce qui rend l'analogie fédérale inadaptée (B).
A. Le droit européen : un nouvel ordre juridique
«intégré » ?
128. Le droit communautaire, devenu droit de l'UE, s'est conçu
comme un nouvel ordre destiné à dépasser le cadre classique des organisations
internationales (1). Le droit français a partiellement accepté cette
logique (2).
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