Revue - Revue des contrats 3-2023 - 55

Droit processuel
I. L'extension à l'ordre international de
l'option de compétence de l'article 46
du Code de procédure civile
Le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil
du 12 décembre 2012, relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance
et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale
ne s'applique que si le défendeur est domicilié dans un État
membre (3)
, s'il existe une compétence exclusive (4)
.
ou lorsqu'une
clause attributive de juridiction désigne comme compétente la juridiction
d'un État membre (5)
Bruxelles I bis étant en l'occurrence hors de cause, les règles du Code
de procédure civile s'appliquaient à l'appréciation de la compétence
internationale des juridictions françaises, faute de clause attributive
de juridiction et de règles de compétence exclusive.
La jurisprudence admet, depuis les arrêts Pelassa (6)
et Scheffel (7)
que la compétence internationale de droit commun se détermine par
l'extension des règles de compétence territoriale internes (8)
, « sous
réserve d'adaptations justifiées par les nécessités particulières des
relations internationales » (9)
. Il suffit donc, pour établir la compétence
des juridictions françaises, que l'un des éléments de rattachement
utilisés par une disposition interne de compétence territoriale soit
réalisé ou localisé en France. Par projection, on considère alors que
« l'ordre juridictionnel français est suffisamment concerné pour en
connaître » (10)
.
Ce principe d'extension s'applique à toutes les règles internes, qu'il
s'agisse du critère de l'article 42 du Code de procédure civile reconnaissant
la compétence de principe du for du défendeur ou de l'un
des critères alternatifs ouverts par les options de compétence de
l'article 46 du Code de procédure civile.
Bien qu'elle ait été critiquée dans son principe (11)
, et plus spécialement
à propos de l'application à la compétence internationale des
règles de compétence territoriale de l'article 46 du Code de procédure
civile au motif que les critères retenus ne seraient pas aptes
à servir les objectifs propres de la compétence internationale (12)
solution est aujourd'hui bien établie (13)
, la
.
Pour répondre à cette question, il convenait de s'interroger sur la
nature exacte du contrat liant les parties, l'exercice de qualification
déterminant la possibilité même d'extension à l'ordre international et
l'issue de l'option de compétence de l'article 46.
Lorsque la distribution comporte un élément d'extranéité, la complexité
de la relation juridique entre le fabricant et son distributeur
contrarie l'analyse ordinaire de la compétence internationale (15)
.
Car le contrat-cadre de distribution ne se laisse pas enfermer dans
les types classiques de contrats que sont la vente ou la prestation
de service (16)
.
(3) PE et Cons. UE, règl. n° 1215/2012, 12 déc. 2012, art. 4.
(4) PE et Cons. UE, règl. n° 1215/2012, 12 déc. 2012, art. 24.
(5) PE et Cons. UE, règl. n° 1215/2012, 12 déc. 2012, art. 25.
(6) Cass. 1re
(7) Cass. 1re
Dans la définition légale qu'en donne l'article 1111 du Code civil
depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « le contratcadre
est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques
générales de leurs relations contractuelles futures. Des
contrats d'application en précisent les modalités d'exécution » (17)
civ., 19 oct. 1959 : Bull. civ. I, n° 416 ; D. 1960, p. 37, note D. Holleaux.
civ., 30 oct. 1962 : Bull. civ. I, n° 449.
(8) JCl. Droit international, fasc. 581-20, Compétence des tribunaux français à
l'égard des litiges internationaux. Compétence internationale ordinaire. Principe
d'extension à l'ordre international des règles de compétence interne, nos
A. Huet.
(9) Cass. 1re
civ., 4 mars 2020, n° 18-24646, PB.
(10) L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 11e
nos 175 et s.
éd., 2020, LexisNexis, Manuels,
(11) JCl. Droit international, fasc. 581-20, Compétence des tribunaux français à
l'égard des litiges internationaux. Compétence internationale ordinaire. Principe
d'extension à l'ordre international des règles de compétence interne, n° 9, 2018,
A. Huet.
(12) P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, 12e
Domat, n° 297, EAN : 9782275045030.
(13) Cass. 1re
éd., 2019, LGDJ,
civ., 2 sept. 2020, n° 19-12580, qualification de prestation de service
applicable à la transmission de messages swift au titre de l'article 46 dans le cadre
de garanties bancaires à première demande.
(14) Cass. 1re
civ., 23 avr. 2023, n° 22-15689, F-B.
(15) G. Virassamy et M. Béhar-Touchais, Les contrats de distribution, 1999, LGDJ,
Traité des contrats, nos
Dalloz, v° Distribution, 2010, n° 14.
(16) V. sur cette notion, A. Sayag (dir.), Le contrat-cadre, vol. 1, 1994, CREDA-Litec,
La distribution, vol. 2, 1995, Litec ; J. Gatsi, Le contrat-cadre, thèse, t. 273, 1996,
Paris V, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. M. Béhar-Touchais ; F. Pollaud-Dulian
et A. Ronzano, « Le contrat-cadre, par-delà les paradoxes », RTD com. 1996, p. 179.
(17) Rappr. la définition proposée par J.-M. Mousseron, avec conclusions de
M.-L. Izorche, P. Mousseron et J. Raynard, Technique contractuelle, 2e
Francis Lefebvre, n° 159.
Revue des contRats 3 - septembRe 2023
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661 et s., EAN : 9782275017556 ; S. Perruzzetto, Rép. internat.
5-6, 2018,
D'une ampleur très variable, ces contrats présentent une grande souplesse
qui leur permet de répondre à des situations complexes et
d'organiser des opérations généralement sur une longue durée, en
particulier dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. Ils
peuvent être conclus entre des partenaires d'une force comparable
,
L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation (14)
vient opportunément le rappeler en énonçant qu'« il résulte de l'article
46 du Code de procédure civile, que lorsqu'il n'y a ni convention
internationale ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire,
la compétence internationale se détermine par extension des
règles de compétence territoriale interne, de sorte que le demandeur
peut, en matière contractuelle, saisir à son choix, outre la juridiction
du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison
effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de
service ».
En appel, la société de droit israélien avait pourtant soutenu, à titre
principal, que l'option de compétence offerte par l'article 46 du Code
de procédure civile était exclue car elle ne s'applique pas aux litiges
relatifs aux contrats de distribution exclusive. Seule la juridiction du
lieu où demeure le défendeur pouvait, selon elle, avoir compétence
en vertu de l'article 42 du Code de procédure civile, ce qui conduisait
mécaniquement à dénier aux juridictions françaises la connaissance
du litige, la société défenderesse ayant son siège social en Israël.
La transposition à l'ordre international des règles optionnelles de
compétence territoriale interne ouvertes par l'article 46 du Code de
procédure civile ne supposait-elle pas, à tout le moins, que l'on puisse
établir que le contrat emportait la livraison effective d'une chose ou
l'exécution d'une prestation de service dont la localisation ouvrirait
l'un des critères de compétence supplémentaires prévus par le
texte ?
.
éd., 1999,
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