Revue - Revue des contrats 3-2023 - 89

Droit administratif
19 avril 2017 (5) procède à la modification du Code général de la propriété
des personnes publiques qui prévoit (6)
obligations de mise en concurrence (7) et la préservation de la singuque
lorsque le titre d'occupation
« permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine
public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente
organise librement une procédure de sélection préalable présentant
toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant
des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se
manifester ».
Si cette modification législative a permis de mettre en conformité le
droit domanial français pour ce qui concerne les titres sur le domaine
public, la question demeurait toutefois entière relativement au
domaine privé, pour lequel le législateur n'a pas prévu de dispositions
équivalentes, alors même que l'octroi de tels titres sur le domaine
privé est fréquemment demandé par des opérateurs : c'est dire
autrement qu'il devenait urgent de clarifier l'état du droit sur la question.
Bien des voix s'étaient élevées pour considérer que la décision
Promoimpresa impliquait, nécessairement, les mêmes obligations de
mise en concurrence pour les titres d'occupation du domaine privé
lorsqu'ils sont nécessaires à une exploitation économique : après
tout, le droit de l'Union européenne (UE) ignore la distinction française
du domaine public et du domaine privé, distinction qui ne sous-tend
en rien le raisonnement de la CJUE dans sa décision, et un alignement
du régime du domaine privé sur celui du domaine public paraissait
donc inéluctable pour une grande partie des commentateurs.
Ce n'est pourtant pas ce chemin qu'emprunte le Conseil d'État dans
sa décision Hôtel du Palais du 2 décembre 2022. Dans cette affaire
était contestée, en raison de l'absence de procédure de mise en
concurrence préalable, la conclusion d'un bail emphytéotique conclu
entre la ville de Biarritz et une société portant sur l'Hôtel du Palais,
dépendance du domaine privé de la ville, au terme duquel la société
était autorisée à effectuer des travaux de rénovation et à exploiter
cette infrastructure pour une durée de 75 ans. Le Conseil d'État juge
que « si les dispositions de l'article 12 de la directive 2006/123/CE
du 12 décembre 2006, transposées à l'article L. 2122-1-1 du Code
général de la propriété des personnes publiques (...), impliquent des
obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la
délivrance d'autorisations d'occupation du domaine public permettant
l'exercice d'une activité économique, ainsi que l'a jugé la Cour
de justice de l'Union européenne par son arrêt du 14 juillet 2016,
Promoimpresa Srl (C-458/14 et C-67/15), il ne résulte ni des termes
de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de
telles obligations s'appliqueraient aux personnes publiques préalablement
à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant
à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour
l'accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de
l'article 4 de cette même directive. Il suit de là qu'en n'imposant pas
d'obligations de publicité et mise en concurrence à cette catégorie
d'actes, l'État ne saurait être regardé comme n'ayant pas pris les
mesures de transposition nécessaires de l'article 12 de la directive
2006/123/CE du 12 décembre 2006 » ; est écarté de la même façon
le moyen tiré de la violation de l'article 49 du traité sur le fonctionnement
de l'Union européenne sur la liberté d'établissement.
Cette décision a suscité de vifs échanges. Certains auteurs ont ainsi
pu saluer le frein tiré par le Conseil d'État à « l'envahissement » des
(5) Ord. n° 2017-652, 19 avr. 2017, relative à la propriété des personnes publiques :
Contrats-Marchés publ. 2017, comm. 114, obs. G. Clamour.
(6) CGPPP, art. L. 2122-1 et s.
larité du domaine privé : comme a pu le souligner Norbert Foulquier,
l'autorisation d'occuper le domaine privé n'est pas un régime d'autorisation
au sens de la directive Services de 2006, dès lors que l'État
agit comme un « simple » propriétaire sur son domaine privé et non
en tant que puissance publique, de sorte qu'une telle solution n'est
en rien contraire à l'esprit de la directive n° 2006/123 ; du reste,
l'extension des obligations de mise en concurrence au domaine
privé impliquerait mécaniquement une restriction dans le temps des
autorisations pour assurer une remise en concurrence périodique,
contraire avec la logique de certains titres d'occupation, tels que le
bail commercial ou le bail emphytéotique (8)
. Une partie significative
des commentaires a toutefois réservé un accueil très critique à cette
décision, lui reprochant une approche trop restrictive de la notion
d'autorisation au sens de la directive n° 2006/123 : à défaut de faire
une application directe de celle-ci au cas d'espèce, le Conseil d'État
aurait donc dû, a minima, transmettre à la CJUE une question préjudicielle,
plutôt que de rendre une solution dont on peut penser qu'elle
n'est qu'un moyen de préserver de façon temporaire, mais fragile, la
liberté des personnes publiques sur leur domaine privé. La question
ne semble donc pas être réglée de façon définitive en l'état, et la
compatibilité du régime actuel du domaine privé avec le droit de l'UE
devra, d'une façon ou d'une autre, sans doute être reposée.
Au-delà du problème lié à l'applicabilité de la directive n° 2006/123,
c'est vers une autre difficulté que le débat pourrait glisser : celui de la
soumission au droit européen de la commande publique, c'est-à-dire
des directives du 26 février 2014 relatives aux marchés publics et aux
concessions, difficulté qui semble être restée dans un angle mort de
l'analyse jusqu'à présent. Et pourtant, la question mérite d'être posée
sérieusement. Dans un montage tel que celui en cause au principal,
conclu à l'initiative de la ville de Biarritz, pouvoir adjudicateur, il pourrait
être soutenu que l'objet du contrat porte en partie sur la réalisation
de travaux (la rénovation d'un hôtel) et que ces travaux sont bien
réalisés pour le compte d'une personne publique, quand bien même
elle n'exploiterait pas cet hôtel. Dès lors que ce dernier est bien sa
propriété, et qu'il lui reviendra à l'expiration du bail, il semble difficile
de considérer que de tels travaux ne sont pas faits pour son compte :
il ne nous semble pas si évident qu'un tel contrat ne réponde pas,
au moins en partie, à un « besoin » de la personne publique, celui
d'un propriétaire ayant besoin que des travaux de rénovation soient
faits sur un ouvrage dont il n'entend pas abandonner la propriété.
Par ailleurs, la rémunération du titulaire du bail va s'opérer grâce à
la gestion de cette infrastructure touristique pendant toute la durée
du bail : il y a donc là une rémunération par un droit d'exploitation
que la ville délivre au titulaire. De là à voir dans un tel montage une
concession de travaux et services, relevant de la directive n° 2014/23,
il n'y a qu'un pas que le juge européen pourrait être tenté de franchir :
c'est dire autrement que si l'ombre de la directive n° 2006/123 n'a été
chassée que temporairement du régime français du domaine privé,
les praticiens doivent prendre garde à l'effet attractif du droit de la
commande publique, dont les implications en termes de concurrence
sont autrement plus exigeantes que celles des autorisations au sens
de la directive Services. Bien des questions restent donc en suspens,
et perturbent quelque peu le vent de liberté qui semble souffler sur le
domaine privé depuis la décision du 2 décembre 2022.
201p2
(7) Contrats-Marchés publ. 2023, repère 2, obs. H. Hoepffner.
(8) N. Foulquier, Droit administratif des biens, 6e
p. 205.
Revue des contRats 3 - septembRe 2023
87
éd., 2023, LexisNexis, Manuels,

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