Revue - Revue des contrats 4-2023 - 85

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indemnitaire fait défaut (67)
. Il se peut néanmoins que, par leur montant
et leur rédaction, elles aient un caractère comminatoire et pour
objet d'évaluer forfaitairement le préjudice d'une résiliation anticipée,
auquel cas ces clauses s'analysent en des clauses pénales (68)
.
Inapplication du principe de réparation intégrale : la répartition
de la dette de réparation. - Inapplication, ensuite, du principe de
réparation intégrale lorsque la gravité des fautes respectives commande
la répartition de la charge de la dette de réparation. Au sens
strict, les dommages-intérêts punitifs consistent à sanctionner le
responsable en considération de la nature - grave, intentionnelle,
lucrative... - de sa faute en procurant à la victime davantage que la
réparation de son préjudice. Mais il se peut aussi que les dommagesintérêts
soient modulés afin de punir la faute d'un coauteur du dommage
ou de la victime (69)
. Il y a là deux situations distinctes.
La première hypothèse est celle de la pluralité d'auteurs d'un même
délit. La clef de répartition de la réparation est l'existence puis l'intensité
des fautes. L'existence : le coauteur fautif n'a pas de recours
contre le non fautif alors que celui-ci a un recours intégral contre
celui-là. L'intensité : entre coauteurs fautifs, la charge d'indemnisation
est fonction de la gravité de leurs fautes respectives (70)
. Il se peut
ainsi que face à l'auteur d'une faute de négligence ou d'imprudence,
l'auteur d'une faute intentionnelle soit tenu d'assumer l'intégralité
de la charge de réparation (71)
gnée en doctrine (72)
. Cette dimension répressive a été souli.
Les dommages-intérêts sont alors punitifs en ce
que leur charge peut être majorée en considération de la gravité de la
faute du coauteur ; mais il ne s'agit pas là d'une peine privée, la victime
ne profitant pas d'un surcroît de dommages-intérêts : le principe
de sa réparation intégrale n'en est pas affecté.
L'autre hypothèse est celle de la faute de la victime qui minore son
droit à une complète réparation. Cette jurisprudence classique n'est
pas certes pas univoque, on peut tout autant la tenir pour une cause
légitime d'exonération partielle du responsable que pour une sanction
du comportement de la victime. Sous ce dernier angle, il est
alors fait un usage répressif des dommages-intérêts (73)
non pas à
(67) V. not. affirmant que de telles clauses ne constituent pas des clauses pénales :
Cass. 2e
civ., 13 juin 2013, n° 12-21300 : RTD civ. 2013, p. 601, obs. H. Barbier - Cass.
com., 18 janv. 2011, n° 09-16863 : RDC juill. 2011, p. 812 et s., obs. É. Savaux ; Dr.
& patr. mensuel 2011, n° 204, p. 72, obs. L. Aynès et P. Stoffel-Munck - Cass. 3e
civ.,
27 juin 2001, n° 00-11996 - Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-11448 : Defrénois
15 mars 1998, n° 36753-15, p. 328 et s., obs. D. Mazeaud.
(68) Cass. com., 5 déc. 2018, n° 17-22346 : RTD civ. 2019, p. 103, obs. H. Barbier ;
RTD civ. 2019, p. 112, obs. P. Jourdain - Cass. com., 10 mars 2015, n° 13-27993 : RTD
civ. 2015, p. 378, obs. H. Barbier - Cass. 3e
2008, p. 1158, obs. J.-S. Borghetti ; RDC oct. 2008, p. 1257, obs. J.-B. Seube.
(69) V. not. M.-S. Bondon, Le principe de réparation intégrale du préjudice.
Contribution à une réflexion sur l'articulation des fonctions de la responsabilité
civile, préf. R. Cabrillac, 2020, PUAM, nos
112 et s.
(70) Cass. 2e
civ., 13 janvier 2011, n° 09-71196 - Cass. 3e
civ., 9 sept. 2009,
n° 08-17354 : RDC janv. 2010, p. 70, obs. S. Carval - Cass. 3e civ., 15 déc. 2010,
n° 09-68894 - Cass. 2e civ., 20 oct. 2005, n° 04-14787 : D. 2006, p. 492, note
G. Chantepie ; adde, P. Jourdain, « Recours en contribution entre coauteurs fautifs :
l'affirmation du critère exclusif de la gravité des fautes respectives pour fixer les
parts de responsabilité », RTD civ. 2011, p. 359.
(71) Cass. 1re
civ., 17 déc. 1996, n° 95-13091 : JCP 1997, I 4068, n° 14, obs. G. Viney.
(72) V. spéc. G. Viney, Le déclin de la responsabilité individuelle, préf. A. Tunc, 1995,
rééd. 2013, LGDJ, nos
370 et s., EAN : 9782275041827.
(73) S. Carval, La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, préf.
G. Viney, 1995, LGDJ, n° 278, EAN : 9782275003238 ; B. Starck, Essai d'une théorie
générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et
de peine privée, préf. M. Picard, 1947, L. Rodstein, p. 141 et s.
(74) CA Versailles, 9e
ch., 23 sept. 2016, n° 14/01570 : JCP G 2016, 2139, obs.
J.-H. Robert ; RSC 2017, p. 530, obs. F. Stasiak.
(75) CPI, art. L. 615-7 ; CPI, art. L. 716-4-10 et CPI, art. L. 331-1-3.
(76) Cass. com., 12 févr. 2020, n° 17-31614 : D. 2020, p. 1086, note J.-S. Borghetti ;
RDC juin 2020, n° RDC116u6, note S. Pellet ; RTD civ. 2020, p. 391, obs. H. Barbier ;
RTD civ. 2020, p. 401, obs. P. Jourdain.
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l'encontre du responsable qui en devra davantage mais de la victime
qui en recevra moins. Cette amputation d'un droit à complète réparation
ne va pas sans paradoxe car, si les principes de la responsabilité
civile interdisent de tenir compte de la faute du responsable pour
indemniser la victime au-delà de son préjudice, la considération de
la faute de la victime permet de l'indemniser moins ! L'exonération
de l'un ne vaut-elle pas alors punition de l'autre, comme dans le cas
de l'affaire Kerviel dans laquelle, malgré quatre condamnations du
responsable pour des infractions pénales intentionnelles, les négligences
et imprudences de la victime - la Société Générale - ont
conduit les juges du fond à souverainement la priver de 99,98 % de
son droit à réparation (74)
?
Exclusion du principe de réparation intégrale par la loi. - Il arrive
aussi que la loi elle-même pose le principe de dommages-intérêts
punitifs. L'hypothèse, aussi nette qu'exceptionnelle, est celle de l'indemnisation
du préjudice causé par la contrefaçon. Dans ce domaine
privilégié de la faute lucrative, la responsabilité civile y est généralement
préférée à la voie pénale. On le comprend aisément puisque
le Code de la propriété intellectuelle incite le juge à retenir une évaluation
indemnitaire très à charge : « Pour fixer les dommages et
intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les
conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le
manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice
moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par
le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels,
matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de la contrefaçon
» (75)
civ., 21 mai 2008, n° 07-12848 : RDC oct.
. Magie de la loi, la réparation forfaitaire normalement censurée
par la Cour de cassation devient aussi loisible au juge qui peut
« à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre
de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est
supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus
si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit
auquel il a porté atteinte ». C'est donc la loi qui force ici le juge à procéder
à une indemnisation punitive par une évaluation enflée et qui
consacre la possibilité d'allouer des dommages-intérêts restitutoires.
Mystification du principe de réparation intégrale par l'acception
retenue du préjudice. - Mais à défaut de loi, la même approche
restitutoire ne peut s'exercer qu'en dévoyant la notion même de
préjudice... Dans un arrêt novateur du 12 février 2020, la chambre
commerciale de la Cour de cassation a retenu que « la réparation du
préjudice peut être évaluée en prenant en considération l'avantage
indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale,
au détriment de ses concurrents » (76)
. Curieuse évaluation du préjudice
qui ne se fonde pas sur l'atteinte subie par la victime mais sur
l'avantage retiré par le fautif... La chose sans le nom, là encore, car la
réalité, ici, est bien celle de dommages-intérêts restitutoires.
On le voit, les dommages-intérêts punitifs sont déjà pratiqués officieusement
en droit positif, sous des formes et selon des modalités
variables. Ils permettent de punir civilement sans le dire. Depuis une
trentaine d'années se dessine un courant favorable à la peine privée
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