Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1-2023 - 143

COMMENTAIRES DE JURISPRUDENCE
1. Le contrôle du juge de l'annulation
lorsque l'arbitre manie les sanctions internationales
On se penchera ici sur le principe du contrôle par le juge de l'annulation de
l'application par l'arbitre des sanctions internationales (a) avant de revenir plus
longuement sur l'intensité dudit contrôle (b).
a. Le principe du contrôle : l'arrêt TCM FR c. NGSC
Dans l'affaire TCM FR c. NGSC, deux questions étaient soulevées dans le cadre
du recours, toutes deux reprises dans le pourvoi rejeté par la Cour de cassation.
La première portait sur l'obligation de motivation de la sentence. La société
TCM se plaignait que les arbitres ne se soient « pas expliqués sur les conséquences
de l'embargo sur l'exécution du contrat », alors qu'elle avait fait valoir, dans ses
écritures « que la poursuite du contrat aux conditions prévues était impossible, du
fait de l'embargo international à destination de l'Iran et que la société NGSC, en
s'opposant à toute révision du contrat, était à l'origine de la rupture ».
Le défaut de motivation était visé sous l'angle du respect par l'arbitre de sa
mission au visa de l'article 1520(3°) du Code de procédure civile, en vertu du
Règlement CCI qui prévoit en son l'article 31(2) que la sentence doit être motivée.
La Cour de cassation approuve la cour d'appel en ce qu'elle avait déduit, de
l'examen par les arbitres de chacune des prétentions de TCM FR, « que les arbitres
n'avaient pas méconnu leur mission en ne se prononçant pas sur la question des
sanctions internationales, dès lors qu'ils avaient considéré, implicitement mais
nécessairement, que cet argument n'était ni pertinent ni nécessaire à la solution
du litige au regard de l'inexécution par la société TCM FR de ses obligations autres
que celles liées aux garanties financières » (nous soulignons).
On notera ici l'usage par la Cour du concept de motivation implicite qui
apparaît rarement dans la jurisprudence concernant les recours en annulation 4
Le moyen est donc rejeté.
.
Si les arbitres peuvent se dispenser de motiver leurs décisions concernant les
sanctions internationales, cela n'est pas le cas du juge de l'annulation, garant du
respect de l'ordre public international.
C'est la deuxième question soulevée par le pourvoi.
On se rappelle que l'affaire TCM FR c. NGSC avait donné lieu à un arrêt d'appel
particulièrement remarqué, jugeant que les sanctions onusiennes et européennes
relevaient de la conception française de l'ordre public international, mais pas les
sanctions américaines 5
.
Dans le cadre de son pourvoi, TCM FR a abandonné l'argument des sanctions
américaines pour se concentrer sur les sanctions onusiennes et européennes.
4. Paris, 21 juin 1990, Rev. arb. 1990, p. 96, note J.-L. Delvolvé ; voir également Paris,
17 janvier 1992, Rev. arb. 2002, p. 202.
5. Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - Chambre 16, 3 juin 2020, n° 19/07261 ; RDC déc. 2020,
n° 117, p. 60, note M. Laazouzi ; Gaz. Pal., 13 juill. 2020, n° 382, p. 32, note D. Bensaude ; Rev.
arb 2020, p. 1121, note J.-Y. Garaud, C. Martini et G. de Rancourt ; Dalloz Actualité, 29 juillet
2020, obs. J. Jourdan-Marques.
Les Cahiers de l'Arbitrage 2023‑1
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