Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°1-2023 - 146

CASE LAW
des résolutions onusiennes et du Règlement européen susmentionné, au motif qu'il
avait « toujours soutenu et démontré que l'inexécution n'était pas du à l'embargo »
mais à la « suspension de la licence d'exportation par l'État italien ».
Les amateurs de sanctions auront reconnu ici l'argument invoqué par la Libyan
Arab Airlines devant la cour d'appel du Québec, afin d'obtenir la confirmation
d'une sentence arbitrale jugeant arbitrable le litige l'opposant à la société Air
France concernant un contrat d'entretien de la flotte aérienne libyenne par la
société française, qui avait été résilié par cette dernière suite aux sanctions
onusiennes à l'encontre de la Libye. Les sanctions en question prévoyaient elles
aussi, comme celles concernant l'Irak, une obligation pour les États membres de
« s'assurer qu'aucune réclamation ne soit instruite à l'initiative du Gouvernement
libyen ou des administrations publiques libyennes, ou de tout national libyen [...]
en liaison avec tout contrat ou toute autre transaction ou opération commerciale
dont la réalisation a été affectée en raison des mesures imposées par la présente
résolution » 12
.
La Libyan Arab Airlines plaidait que sa demande d'arbitrage incluait deux volets :
l'un relatif à l'interruption du contrat antérieurement aux sanctions et un second
relatif à la cession complète de l'exécution suite aux sanctions. Dans ces conditions,
la cour d'appel du Québec avait jugé que « les arbitres ne pouvaient donc pas
mettre totalement de côté la demande d'arbitrage de l'intimée au motif qu'elle
était interdite par les mesures onusiennes » et qu'il « appartiendra[it] évidemment
à l'intimée de faire la preuve devant l'instance arbitrale qu'effectivement une partie
de sa réclamation est née avant l'arrivée de l'embargo » 13
.
La cour d'appel de Paris a adopté une solution relativement proche dans l'arrêt
commenté.
En l'espèce, le Ministère de la Défense irakien plaidait que l'inexécution
litigieuse était causée non pas par la résolution onusienne du 1er
août 1990
mais par la suspension par les autorités italienne de la licence d'exportation le
14 novembre 1986.
La cour d'appel procède ici en deux temps.
En premier lieu, la cour d'appel confirme que les valeurs portées par les
résolutions onusiennes relèvent de la conception française de l'ordre public
international.
En second lieu, la cour d'appel préserve la liberté des arbitres en interprétant les
sanctions onusiennes et européennes comme ne pouvant « s'opposer à un examen
par un tribunal étatique ou arbitral d'une demande liée à un contrat susceptible
d'être affecté par ces mesures d'embargo, voire même de déclarer recevable une
telle demande, après avoir estimé qu'elle ne rentrait pas dans le périmètre de ces
mesures, tant qu'il n'a pas statué sur le bien-fondé de la demande ».
Cette étape du raisonnement mérite de s'y pencher.
Le Ministère de la Défense irakien arguait que « pour que la décision du tribunal
arbitral soit constitutive d'une violation manifeste de l'ordre public, il aurait fallu
12. Résolution 883 (1993) Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 3312e
1993.
13. Cour d'appel du Québec, 31 mars 2003, La Compagnie Nationale Air France v. Libyan Arab
Airlines, paras. 88-89, cité par J.-B. Racine, « L'arbitrage commercial international et les mesures
d'embargo. À propos de l'arrêt de la CA du Québec du 31 mars 2003 », JDI, 2004.103.
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The Paris Journal of International Arbitration 2023‑1
séance, le 11 novembre

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