Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2023 - 104

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Néanmoins, le raisonnement de la CCJA sur certains points dans cet
arrêt mérite d'être questionné au regard de certains principes établis en droit
international de l'arbitrage. D'une part, la CCJA annule la sentence arbitrale
partielle sous le motif de la violation de l'ordre public international tenant en
ce que le tribunal arbitral a retenu sa compétence pour connaître de l'affaire et
a rendu la sentence partielle querellée alors « que la convention des marchés
publics et le contrat subséquent n'ayant jamais rempli les conditions légales
requises, ils étaient sous le coup de la déchéance ; qu'en retenant sa compétence
dans ces conditions, le tribunal arbitral a violé l'ordre public international, en ce
qu'il a donné effet à une clause compromissoire inexistante au regard du droit
interne du Bénin et des Directives de l'UEMOA en matière de marchés publics et
de délégation de services publics ». La CCJA semble reprocher au tribunal arbitral
d'avoir donné effet à une clause compromissoire insérée dans une convention de
marchés publics et contrats subséquents nulles au regard du droit interne Bénin.
D'après la compréhension de la Cour, l'inexistence pour contrariété à l'ordre
public des conventions des marchés publics entache la validité de la clause
compromission. Il est évident que l'analyse de la CCJA est complètement aux
antipodes du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage qui postule la
validité de la clause compromissoire nonobstant la nullité du contrat principal.
Par ailleurs, reprocher au tribunal arbitral de ne pas s'être prononcé sur les deux
exceptions jointes au fond, et en se prononçant sur celles-ci alors même que la
sentence déférée ne les a pas tranchées mais a exercé son pouvoir souverain de
les joindre au fond, c'est faire litière du principe de compétence-compétence qui
innerve le droit international de l'arbitrage et postule que l'arbitre est juge de sa
propre compétence.
D'autre part, la CCJA fait grief au tribunal arbitral d'avoir joint au fond certaines
exceptions et moyens de défense soulevés par l'État du Bénin et SBEE et renvoyé
leur examen à la phase ultérieure de l'instance, obligeant « ceux-ci à se soumettre
à une instance au fond dont ils ont pourtant le droit d'empêcher l'avènement et
la tenue effective, en vertu du principe de la liberté de défense ». Tout comme le
précédent, ce raisonnement n'est pas exempt de critique dès lors que la jonction
au fond d'exceptions de procédure liées à l'examen du fond est une solution
classique en arbitrage international comme dans le contentieux judiciaire, et qu'il
est expressément prévu à l'article 21 du Règlement d'arbitrage de la CCJA. Il est
bien dommage que l'arrêt de la CCJA y trouve une violation de l'ordre public
international.
Les errements observés dans cet arrêt pourraient malheureusement être de
nature à ébranler la confiance internationale dans la CCJA. Par ailleurs, il n'est pas
exclu que la sentence partielle, bien qu'annulée par la juridiction communautaire,
reçoive un accueil favorable dans l'ordre juridique français au travers de
l'exequatur, car il ressort de la clause compromissoire que les parties avaient
choisi Paris comme siège de l'arbitrage.
Le motif de contrariété à l'ordre public international n'a pas reçu la même
faveur dans les autres affaires rendues au cours de la même période.
CCJA, s'oppose à ce que l'arbitre statue dans la même cause opposant les mêmes parties ». La
CCJA réitère sa position dans l'arrêt n° 68/2020 du 27 février 2020, affaire État du Bénin c/ Société
Générale de Surveillance, inédit.
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The Paris Journal of International Arbitration 2023‑2
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