Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°2 - 2023 - 87

NUMÉRO SPÉCIAL AFRIQUE
d'avance s'il serait possible de déroger au droit applicable dans le for étranger
envisagé en optant pour le Règlement d'arbitrage de la CCJA comme règle de
procédure. Cette solution comporte aussi sa propre limite dans la mesure où
nul ne pouvant prédire l'avenir, l'on n'est pas forcément à l'abri d'un éventuel
changement de législation qui pourrait avoir pour conséquence d'empêcher une
dérogation. Dans une telle hypothèse, qu'adviendrait-il de la clause qui à la date
de sa signature mentionne un siège dans un for étranger qui admet la dérogation
mais qui à la date de naissance du litige, n'est peut-être plus valide en raison d'un
changement de législation rendant désormais impossible une telle dérogation, au
cas où la nouvelle législation serait d'application immédiate ? Cela nous ramène
à la meilleure solution, qui serait d'éviter simplement de fixer les sièges en
dehors de l'espace géographique de l'OHADA et d'avoir à l'esprit le lieu potentiel
d'exécution d'une sentence future lors du choix du siège du tribunal arbitral.
Conclusion
30. L'arbitrage sous l'égide de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de
l'OHADA constitue un mode apprécié de règlement des litiges, avec plusieurs
particularités intéressantes dont la plus remarquable est sans doute l'exequatur
unique qui rend les sentences arbitrales qui en sont revêtues exécutoires dans tous
les dix-sept États parties au Traité relatif à l'OHADA. Même si de temps en temps,
il peut y avoir des « ratés » dans le système, ce n'est l'apanage ni de l'OHADA, ni
de l'Afrique, dès lors que cela arrive également dans pratiquement tous les systèmes
juridiques internationaux au fil du temps. S'il est vrai que les normes actuellement
applicables à l'arbitrage CCJA n'exigent pas que le siège d'un tribunal soit fixé dans
un État partie à l'OHADA, il n'en demeure pas moins que cette option est beaucoup
plus risquée et qu'il est préférable pour les parties de fixer le siège du tribunal dans
un État partie à l'OHADA, ce qui ne les empêche nullement de se ménager la
possibilité de tenir des réunions et/ou des audiences en tout autre lieu que le siège.
31. Après avoir dit le droit, en affirmant l'absence d'obligation de fixer le
siège dans l'espace géographique de l'OHADA pour que les sentences soient
valides, il convient maintenant que la CCJA prenne la mesure des risques
inhérents à cette option et donne l'exemple en s'abstenant, lorsque c'est possible,
de fixer le siège des tribunaux arbitraux sous son égide en dehors du territoire
de sa juridiction territoriale. À tout le moins, il serait souhaitable qu'en face de
conventions d'arbitrage choisissant cette option, les formations restreintes ainsi
que le Secrétariat général de la Cour s'efforcent, à l'entame des procédures
d'arbitrage, d'attirer l'attention des parties sur ces risques en essayant d'obtenir
d'elles (sans pression toutefois) de renoncer au siège à l'étranger et d'en choisir
un autre dans sa juridiction territoriale. En tout état de cause, c'est au stade de la
négociation et de la rédaction des clauses compromissoires qu'il faudrait se donner
les moyens d'écarter ces risques en fixant le siège dans le ressort de la CCJA, tout
en se donnant, si nécessaire, le moyen de pouvoir se réunir ailleurs sans avoir à
déplacer le siège. Dans cette démarche, la responsabilité incombe principalement
aux rédacteurs des clauses de règlement des différends dans les conventions.
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