Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 107

COMMENTAIRES DE JURISPRUDENCE
(ou morale) en fonction, soit de son identité, soit de ses qualités 55
. Les raisons
de ce choix peuvent être tant subjectives - à raison du sentiment inspiré par la
personne - qu'objectives - à raison des garanties qu'elle apporte 56
. Or, en l'espèce,
la confiance particulière accordée à Monsieur William Treacher, au point d'en
faire un témoin du contrat, un signataire de celui-ci et de le choisir pour arbitre,
n'est pas transposable à n'importe quel consul général de Bornéo. Pourtant, ce
n'est pas le premier qui est visé par la clause, mais la fonction du second, qui
laisse la place à une substitution de personne au fil du temps.
Pour assoir son raisonnement, la cour ajoute que « cette remise en cause se
trouvant confortée par le fait que le gouvernement britannique a succédé en 1946
aux droits de l'une des parties, de sorte qu'un consul britannique ne pouvait à
compter de cette date être regardé comme un tiers indépendant ». Là encore,
l'argument est trop rapide 57
droit, ce qui suffit à emporter une disparition immédiate de la clause 58
cet effet de plein droit fait l'objet de critiques doctrinales 59
. Il est vrai que le plus souvent la caducité opère de plein
. Toutefois,
. Or en l'espèce, la
subrogation de la Grande-Bretagne comme partie au contrat a été temporaire, dès
lors que c'est désormais la Malaisie qui lui a succédé. Par conséquent, le défaut
d'indépendance allégué a disparu.
Partant, la disparition de la fonction ou le défaut d'indépendance temporaire
ne sont pas des obstacles insurmontables 60
à la mise en œuvre de la convention
d'arbitrage. C'est pour résoudre de telles difficultés que le principe d'effet utile
doit intervenir. C'est encore pour y répondre que le juge d'appui est susceptible
d'intervenir et c'est précisément ce que les parties ont fait, en saisissant les
juridictions espagnoles. On peut d'ailleurs penser que si le juge d'appui français
avait été saisi, il aurait été tout à fait capable de procéder à la désignation, sur le
fondement de l'article 1505, 4° du Code de procédure civile, en raison du risque
de déni de justice.
Il est d'ailleurs regrettable que la question du déni de justice ne soit pas posée.
Comment une telle circonstance peut-elle constituer une préoccupation au stade
de la constitution du tribunal arbitral et disparaître totalement de l'analyse au stade
du recours ? C'est pourtant le constat que l'on peut faire dans la jurisprudence
récente. Déjà, dans une affaire Strabag, alors même que la question était
frontalement posée, la cour a éludé la question en jugeant que « l'annulation de la
sentence partielle tirée de l'incompétence du tribunal arbitral n'a pas pour effet de
priver une partie de l'accès à un juge mais seulement de priver la possibilité pour
55. Ph. le Tourneau et D. Krajeski, « Contrat " intuitu personae " », J. Cl. Contrats - Distribution,
2019, n° 13.
56. Ph. le Tourneau et D. Krajeski, « Contrat " intuitu personae " », J. Cl. Contrats - Distribution,
2019, n° 33.
57. V. égal. D. Mainguy, note s/s l'arrêt.
58. V. not. : Cass. 3e
civ., 9 mars 2017, n° 15-26.182, D. 2017. 646 ; D. 2018. 371, obs.
M. Mekki ; RDI 2017. 286, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2017. 226, obs. Y. DagorneLabbe
; RTD civ. 2017. 393, obs. H. Barbier ; C. Brenner et S. Lequette, « Acte juridique - Théorie
générale de l'acte juridique », Rép. Dr. civ., 2019, n° 142.
59. L. Sautonie-Laguionie, « Le rôle du juge et des parties dans l'anéantissement du contrat en
droit français », RDC 2013. 1643, n° 20 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques - Étude de
droit civil, thèse, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2006, spéc. n° 511 et s.
60. Comme ne l'est d'ailleurs pas la disparition d'une institution d'arbitrage : Paris, 20 mars
2012, n° 10/23578, Rev. arb. 2012. 808, note D. Kuhner ; D. 2012. 2991, obs. T. Clay.
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