Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 27

DOCTRINES - DÉBATS
b. L'amitié arbitrale dans ses rapports avec l'exception de notoriété
52. À ce stade de nos développements, il nous faut apprécier si les liens
litigieux de l'arbitre avec le conseil défunt ne relevaient pas de l'exception de
notoriété, ce qui aurait dispensé l'arbitre de les révéler en tout état de cause.
53. Comme observé ci-avant (voir n. 32), la Cour rappelle dans l'arrêt commenté
le régime de l'exception de notoriété. La partie défenderesse au recours évoquait
le caractère notoire des circonstances litigieuses pour prétendre que l'arbitre était
dispensé de les révéler. Pour autant, dans son appréciation en l'espèce du respect
de l'obligation de révélation, la Cour omet de traiter cette question et ne statue
donc pas sur le caractère notoire ou non des circonstances litigieuses.
54. C'est certainement un manque et il est permis de s'interroger sur la question
de savoir s'il n'invalide pas le raisonnement de la Cour 44
. Une circonstance
peut en effet être jugée potentiellement discriminante et relever de l'obligation
de révélation. Mais le manquement à l'obligation de révélation ne pourra être
caractérisé que s'il est constaté que la circonstance n'était pas notoire.
55. Un auteur affirme que l'hommage était un « condensé de faits notoires,
parfaitement accessibles, ou qui peuvent être présumés l'être, et par conséquent,
n'avaient pas à être révélés » 45
. Pour notre part, il nous semble difficile de
considérer que toutes les circonstances litigieuses contenues dans l'hommage au
conseil disparu étaient notoires. Le PAD pouvait toujours, à notre sens, affirmer
que certaines circonstances lui étaient inconnues, comme le plaisir spécifique du
président à écouter les plaidoiries du conseil, la reconnaissance de la précision et
de la hauteur de vue du disparu, le fait que le défunt ait siégé comme rapporteur
dans le jury de thèse du président, leurs voyages au Brésil et en Colombie, etc.
56. Toutefois, si ces circonstances spécifiques ne nous paraissent pas pouvoir
relever de la notoriété, telle qu'entendue habituellement, faute d'être immédiatement
accessibles par des recherches sommaires, il pourrait être considéré qu'elles
étaient notoires par nature parce qu'elles n'étaient que des illustrations de l'amitié
arbitrale et ne caractérisaient pas de liens allant au-delà de cette amitié arbitrale.
Elles constitueraient donc des circonstances que toute partie à un arbitrage devrait
anticiper dans la personne des arbitres et seraient donc notoires par nature, ce qui
dispenserait l'arbitre de les révéler.
57. En tout état de cause, comme nous l'avons observé plus haut (voir n. 43),
les liens personnels litigieux ne constituant pas une amitié utile ou agréable, ne
pouvaient relever de l'obligation de révélation, ce qui dispensait de s'interroger sur
l'applicabilité à leur endroit de l'exception de notoriété.
II. - L'amitié arbitrale conditionne l'indépendance
et l'impartialité de l'arbitre
58. Quand bien même finalement, considérerait-on que les liens personnels
litigieux relevaient de l'obligation de révélation, et que l'arbitre aurait donc manqué
44. En ce sens, J. Jourdan-Marques, chron. cit. ; D. Mainguy, note. cit.
45. D. Mainguy, note cit.
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