Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 34

ARTICLES - DEBATES
a. Sur le motif d'irrecevabilité fondé sur l'éventuelle tardiveté
de l'invocation du grief d'irrégularité de constitution du tribunal
arbitral
77. Sachant que la sentence partielle dont le recourant demande l'annulation a
été rendue le 10 novembre 2020, la Cour d'appel estime que le recourant n'a pas
tardé à invoquer le grief de défaut d'indépendance pour la raison d'une part qu'il
aurait, selon la Cour, été « informé des faits et circonstances » invoqués à l'appui
de son grief le 15 avril 2021, date de publication de l'hommage litigieux, et que
la demande de récusation a été transmise le 20 avril 2021, et d'autre part que les
« liens d'amitié » en cause n'auraient « jamais été révélés auparavant ». La Cour en
déduit que le recourant ne peut être réputé « avoir renoncé à [se] prévaloir [des
doutes invoqués sur l'indépendance et l'impartialité de l'arbitre] durant l'instance
arbitrale de telle sorte que le moyen doit être déclaré recevable devant le juge de
l'annulation ».
78. La motivation de la Cour appelle plusieurs observations.
- Le recours en annulation a été introduit le 14 décembre 2020, soit quatre mois
avant la publication de l'hommage (en date du 15 avril 2021). Ce recours n'a donc
apparemment pas été motivé par des doutes sur l'indépendance de l'arbitre auteur
de l'hommage puisqu'à lire l'arrêt, ces doutes ont été générés par les circonstances
mentionnées dans l'hommage, lequel a été publié postérieurement à l'introduction
du recours en annulation (doutes en conséquence desquels le PAD a présenté
une demande de récusation de l'arbitre devant la Cour d'arbitrage de la CCI le
20 avril 2021). Au jour où le recours en annulation a été introduit, l'indépendance
et l'impartialité de l'arbitre n'étaient donc apparemment pas mises en cause devant
la Cour d'appel.
Or, selon l'article 14.2 du Règlement CCI que cite la Cour, toute allégation de
défaut d'indépendance ou d'impartialité « doit être soumise [à la Cour d'arbitrage
de la CCI sous forme de demande de récusation] par une partie, à peine de
forclusion, (...) dans les trente jours suivant la date à laquelle la partie introduisant
la récusation a été informée des faits et circonstances qu'elle invoque à l'appui
de sa demande de récusation ». Nous savons, depuis la jurisprudence Tecnimont,
que la procédure prévue au Règlement CCI s'impose aux parties, en conséquence
de quoi, une partie ne saurait faire l'économie d'une procédure de récusation
préalablement à l'exercice d'une action en annulation de sentence, pour autant
bien entendu qu'elle ait eu connaissance des circonstances litigieuses en cours de
procédure arbitrale et non après la reddition de la sentence 67
.
En l'espèce, la procédure d'arbitrage était toujours en cours au jour de la
reddition de la sentence partielle le 14 décembre 2020 puis de la publication
de l'hommage le 15 avril 2021 (la sentence finale a été rendue le 9 novembre
2021). Il appartenait donc à la partie souhaitant se prévaloir du défaut allégué
d'indépendance fondé sur l'hommage d'exercer dans les
trente
jours de sa
publication une action en récusation fondée sur les doutes générés par l'hommage.
À défaut, elle serait supposée avoir renoncé à s'en prévaloir.
67. Reims, 2 nov. 2011, Tecnimont, Rev. arb., 2012, 112, note M. Henry : « L'obligation de
révélation : de l'éclairage excessif au risque d'aveuglement ».
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