Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 51

Paris, Place d'arbitrage ?
Introduction du thème
Sylvain Bollée
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne
(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Dans un contexte de concurrence ou d'émulation entre les places d'arbitrage,
la préoccupation d'attractivité du droit français a un relief qui ne se retrouve pas
dans beaucoup d'autres branches du droit. Il ne fait guère de doute que cette
préoccupation a été au nombre de celles qui ont animé le pouvoir réglementaire
lorsqu'il s'est attaché à moderniser, en 2011, un droit écrit déjà réputé
satisfaisant. Et elle est vraisemblablement aussi à la racine de nombre de solutions
jurisprudentielles réputées favorables à l'efficacité des conventions d'arbitrage et
des sentences. C'est en tout cas une vue largement répandue, tout comme l'est la
conviction selon laquelle le droit français a bien atteint son objectif d'attractivité.
De fait, si l'on juge l'arbre à ses fruits, c'est un fait que Paris est une place
d'arbitrage international majeure ; et les atouts que l'on prête au droit français
n'y sont vraisemblablement pas pour rien. Quels sont ces atouts ? J'en distinguerai
essentiellement trois.
Le libéralisme, d'abord. À bien des égards, le droit français accorde une
place prépondérante à la volonté des parties, ce qui est certainement de nature
à séduire les contractants. Qu'il s'agisse du régime de la convention d'arbitrage,
de la constitution du tribunal arbitral, de l'organisation de la procédure ou de la
détermination du droit applicable au fond, une ligne constante est que le droit
français s'en remet dans une large mesure à la volonté des parties, en réservant
seulement certaines exigences impératives incompressibles qui correspondent à
celles de l'ordre public international.
Le second élément d'attractivité du droit français tient à son caractère
favorable à l'efficacité des sentences et, par voie d'implication, à celle de la
justice arbitrale. Les motifs d'annulation ou de refus d'exequatur sont limités,
et
la manière dont la jurisprudence les a compris a eu tendance, pendant
longtemps, à les réduire encore davantage. On a ainsi assisté, de façon parfois
très marquée, à une politique de faveur pour la validation des sentences. Ce
point est évidemment important du point de vue de l'attractivité de la France
comme siège d'arbitrage, car une attente des utilisateurs de l'arbitrage est que
les sentences puissent être exécutées. Bien sûr, il n'y a pas nécessairement de
coïncidence entre le lieu du siège et celui où l'exécution de la sentence sera
recherchée. Mais il ne faut pas oublier que dans la plupart des pays l'attitude
normale est de refuser l'exequatur à une sentence si elle a été annulée là où elle
a été rendue. La limitation des motifs d'annulation, dans l'État du siège, est donc
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