Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 60

SORBONNE ARBITRAGE, 28 MARS 2023 (PARIS ARBITRATION WEEK)
as quelques critiques qui vont plus explicitement traiter ce qu'Olivier a suggéré
comme étant des défaillances de cet arrêt ?
Kamalia Mehtiyeva. Merci Carine, merci Olivier d'avoir facilité les critiques,
après cette présentation très objective de l'arrêt.
Carine, avant de me passer la parole, tu disais que j'avais été avocate avant
d'être professeur et c'est exact. Il est vrai que le professeur a chassé l'avocat en
grande partie, mais l'avocat qui vit en moi tend à penser qu'il n'existe pas de
cause indéfendable.
Néanmoins, avec cet arrêt, je peine à trouver une ligne de défense possible
pour défendre la CJUE, et ce quel que soit le point de vue duquel on se place :
que ce soit celui du droit de l'Union européenne stricto sensu, ou des rapports
entre l'arbitrage et l'Union européenne ; et plus généralement, et de manière
plus abstraite, du point de vue de la théorie du droit et des sources de droit, de
l'articulation à la fois des normes et des sources applicables aux mêmes situations
entre les mêmes acteurs et les mêmes États.
Puisque c'est un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, c'est du
point de vue de l'Union européenne que je commencerai mes critiques.
On pourrait penser, en lisant
cet arrêt, qu'il
s'agit d'une concurrence
juridictionnelle entre les États, les juridictions étatiques et la Cour de justice de
l'Union européenne ; une sorte de concurrence normative entre le droit de l'Union
européenne et l'arbitrage. En réalité, ce n'est pas un arrêt par lequel la Cour de
justice étend son royaume et ce n'est pas non plus un arrêt qui agrandit les limites
de l'Union européenne, puisque ce qu'elle dit, sur la délimitation des matières
est déjà quelque chose d'acquis. En effet, il est acquis dans les textes depuis la
Convention de Bruxelles de 1968, dans le système du Règlement de Bruxelles et
dans la jurisprudence de la Cour de Justice, que l'arbitrage est exclu de ces textes.
Ce n'est donc pas vraiment ce point-là qui surprend.
En réalité, ce qui dérange peut être résumé comme suit : déjà, de manière
très générale, c'est le manque de cohérence dans le raisonnement de la Cour de
justice. Cela est d'autant plus étonnant que cette incohérence touche à des notions
essentielles du droit de l'Union européenne et des notions juridiques en général,
en commençant par celle qui est chère à tous les juristes, la notion de décision
de justice.
Qu'est-ce qu'une décision de justice ? Les choses les plus évidentes peuvent
s'avérer ne pas être si simples. C'est ce que l'on observe ici avec la notion de
décision.
En droit de l'Union européenne, la notion de décision de justice est une notion
autonome, ce qui signifie qu'elle bénéficie d'une signification indépendante de
celle qui lui est attribuée en droit interne par les États membres. Bien sûr, cela
ne résout pas toutes les difficultés. La particularité de cette notion est que son
contenu est variable et que ce n'est pas une notion unique. Autrement dit, chaque
règlement définit la décision selon ses propres objectifs. C'est aux fins d'application
d'un texte précis que la notion de décision sera interprétée.
Ici, la question d'interprétation du mot « décision » était nécessaire pour
savoir si l'on peut faire jouer l'exception d'inconciliabilité et si, par conséquent,
la reconnaissance de la décision peut être refusée, à titre incident, du fait de cette
inconciliabilité.
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The Paris Journal of International Arbitration 2023‑3

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