Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 74

SORBONNE ARBITRAGE, 28 MARS 2023 (PARIS ARBITRATION WEEK)
Et peut-être est-ce cela la solution. Plutôt que d'annuler, la solution pourrait
être de revenir devant le tribunal arbitral. Surtout lorsque les arbitres n'ont pas
traité la question de la corruption : lorsque cela n'a pas été soulevé par les parties
ou lorsque cela n'a pas été relevé d'office par les arbitres. Plutôt que d'annuler, il
serait possible de dire aux arbitres : reprenez le dossier et faites-vous votre opinion
sur l'existence de faits de corruption.
C'est plus délicat lorsque les arbitres ont traité la question et ont dit qu'il n'y
avait pas de corruption. Cela oblige à revenir sur l'autorité de la chose jugée, ici,
fortement. Il y a une immixtion du tribunal étatique.
L'autre possibilité - et c'est justement le lien que je fais avec un article de Charles
Jarrosson, que l'on cite beaucoup parce qu'il a beaucoup écrit sur cette question-là,
dans les Mélanges en l'honneur de Pierre Mayer 14
-, ce sont les alternatives à
l'annulation, c'est-à-dire une forme de renvoi devant les arbitres par la cour d'appel.
Et ce serait là quelque chose à créer dans les textes : plutôt qu'annuler, la
cour d'appel pourrait renvoyer aux arbitres pour qu'ils régularisent la violation
potentielle de l'ordre public international.
Ce n'est pas complètement aberrant parce que la règle résulte de l'article 34.4 de
la loi type de la CNUDCI, qui prévoit cette possibilité. La solution a été introduite,
notamment en droit portugais. Il y a donc des législations qui s'en sont inspirées.
Ce serait donc une manière pour la cour d'appel, plutôt que d'annuler la
sentence, de renvoyer devant le tribunal arbitral et de lui dire : « Jugez à nouveau
pour tenir compte éventuellement de la possibilité qu'il y ait eu corruption ».
C'est à discuter, bien entendu. Sachant que la solution aboutit à revenir
sur l'autorité de la chose jugée. Et cela porte a priori atteinte à l'autonomie de
l'arbitrage et à la souveraineté des arbitres.
Avant de te redonner la parole, Carole, je dirai simplement que le respect de
l'ordre public est à la fois la limite de l'autonomie et la condition de l'autonomie :
l'arbitrage ne peut être autonome que s'il est respectueux de l'ordre public et s'il
y a des moyens effectifs et concrets permettant de s'assurer que les sentences sont
conformes à l'ordre public.
Pour moi, ce ne serait pas complètement choquant.
Carine Dupeyron. Carole, un commentaire ?
Carole Malinvaud. Oui, très brièvement. Est-ce que ce type de contrôle doit
s'appliquer à toutes les règles d'ordre public international ou « simplement » aux
infractions les plus graves ?
On évoquait avec Jean-Baptiste Racine la possibilité de renvoyer devant les
arbitres, sous la forme d'une action en révision élargie. Cela étant, la sentence
rendue après révision, resterait sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, ce
n'est donc pas la fin de l'histoire. Or, à un moment, il faut que les justiciables
aient une décision définitive. Et il me semble que la réouverture systématique de
recours, y compris des nouvelles formes de recours, in fine, peut s'avérer néfaste.
Il faut accepter l'idée que l'on peut parfois mal juger et que cette décision est
définitive. On laisse passer un délai de recours, même si la décision est mal jugée,
le délai de recours n'a pas été respecté, eh bien la décision reste en l'état.
14. C. Jarrosson, « Réflexions sur les sanctions applicables à la sentence arbitrale », in Mélanges
en l'honneur du Professeur Pierre Mayer, LGDJ, 2015, p. 331 et s.
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