Revue - Les Cahiers de l'Arbitrage N°3 - 2023 - 99

COMMENTAIRES DE JURISPRUDENCE
similaires 24
. Ces cas sont perçus comme exclusifs, ce que révèle la formule restrictive
des articles 1492 et 1520 du Code de procédure civile, qui ne permet le recours
« que si » certains griefs existent. Une fois de plus, la volonté simplificatrice et la
recherche d'efficacité sont évidentes, tout comme les difficultés qui ne manquent
pas d'apparaître. L'affaire Hémisphère en a donné une belle illustration. À cette
occasion, la Cour de cassation a admis la faculté pour la cour d'examiner une
prétention tirée du retrait litigieux dans le cadre du recours contre une sentence 25
.
Tout à l'inverse, la cour d'appel de renvoi, en visant explicitement l'article 1520 du
Code de procédure, a refusé de réaliser un tel examen en soulignant le caractère
restrictif des cas d'ouverture prévus par ce texte 26
.
En définitive, le silence des textes impose au juge de trancher entre, d'un côté,
une appréciation restrictive visant à limiter les voies de recours ou les pouvoirs du
juge et, d'un autre côté, un retour au droit commun pour assurer aux parties un
examen de leurs prétentions. Cette nécessité de combler les lacunes des textes est
précisément au cœur de la discussion dans l'arrêt Sultan de Sulu.
2. La nécessité de combler les lacunes du texte
Dans l'arrêt en commentaire, la sentence a été rendue à l'étranger. En
conséquence, l'appel de l'ordonnance accordant l'exequatur est ouvert par
l'article 1525, alinéa 1er
, mais son objet est limité par renvoi de l'alinéa 4 du
même article à l'article 1520. Dès lors, la question qui se pose est de savoir si le
juge peut examiner un moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande d'exequatur,
alors que ce grief n'est pas visé par les cinq cas d'ouverture du recours. La cour
d'appel, à la suite de la Cour de cassation 27
, répond positivement. Elle juge que
« l'article 1525 du Code de procédure civile, qui ouvre la voie de l'appel contre
la décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une
sentence arbitrale rendue à l'étranger, ne dispense toutefois pas la cour d'appel
de l'examen des fins de non-recevoir opposées à la demande d'exequatur, le
renvoi fait à l'article 1520 du même code ne concernant que le seul contrôle de
la sentence arbitrale ». Le paradoxe de la solution est qu'elle ne convainc pas à
24. L'originalité de cette architecture est doublement marquante. D'une part, contrairement à
de nombreux droits étrangers, le droit français réserve un sort identique aux sentences rendues en
France et aux sentences rendues à l'étranger, là où de nombreux droits prévoient leurs propres cas
d'ouverture contre les premières et se fondent sur la Convention de New York pour les secondes.
D'autre part, alors que le droit français a fait le choix d'un régime dualiste, distinguant arbitrage
interne et international, il n'en tire que peu de conséquences quant aux cas d'ouverture invocables
contre une sentence, les griefs prévus par le 6° de l'article 1492 du Code de procédure civile étant
relativement anecdotiques. Au point que l'on peut s'interroger sur la disparition de cette distinction :
Th. Clay, « Pour un renouvellement du critère de l'internationalité de l'arbitrage », in Mélanges en
l'honneur du professeur Loïc Cadiet, LexisNexis, 2023, à paraître.
25. Cass. 1re
civ., 28 févr. 2018, n° 16-22.112, Dalloz actualité, 20 mars 2018, obs. J.-D. Pellier ;
D. 2018. 516 ; ibid. 1934, obs. L. d'Avout et S. Bollée ; ibid. 2448, obs. T. Clay ; AJ contrat 2018.
187, obs. J. Jourdan-Marques ; RTD civ. 2018. 411, obs. H. Barbier ; ibid. 431, obs. P.-Y. Gautier ;
Rev. arb. 2018. 389, note M. Laazouzi ; Procédures 2018, n° 5, obs. L. Weiller ; JCP 2018. 1111,
note P. Casson ; RDC 2018. 354, note R. Libchaber ; JDI 2018. 1202, note P. Pinsolle.
26. Paris, 7 déc. 2021, nos
Marques ; JCP E 2022, n° 27, p. 33, obs. F. Mailhé ; RTD civ. 2022. 962, obs. Ph. Théry ; D. 2022.
1773, obs. S. Bollée ; Gaz. Pal. 3 mai 2022, p. 4, obs. L. Larribère.
27. Cass. 1re
civ., 13 avr. 2023, n° 21-50.053, op. cit.
Les Cahiers de l'Arbitrage 2023‑3
589
18/10217 et 18/10220, Dalloz Actualité, 4 févr. 2022, obs. J. Jourdan
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