Revue Droit & Littérature - Revue Droit & Littérature N°7-2023 : Notre Péguy - 20

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heureuse ». Son bac en poche, elle s'inscrit aux cours Florent. « J'avais une grande envie de quitter ma
province », avance-t-elle en guise d'explication. Elle bifurque bientôt vers une voie plus classique,
s'inscrit en fac de droit. L'écriture reste là, comme un refuge secret. Elle envoie des manuscrits
à des éditeurs, qui reviennent avec des lettres de refus plus ou moins circonstancié. Elle devient
notaire comme on coche une case, « pour exister socialement ». « J'ai fait un vrai métier comme disaient mes
parents. Quitte à faire un vrai métier, autant en choisir un qui donne de l'argent et une position sociale. En province,
on parle des notaires avec peur et respect. Je voulais devenir celle que ma famille respectait » !
Cécile Guidot est facile d'accès. Mais la meilleure façon de la rencontrer est sans doute de la
lire. Avec son visage pâle encadré de longs cheveux bruns, ses faux airs de Nathalie Portman, et
son allure bien éloignée du dress code du notaire des beaux quartiers, son héroïne Claire lui ressemble
physiquement. « Mais elle est tatouée et moi non », plaisante l'autrice, vêtue d'un jean noir et
d'un perfecto. Au-delà de l'apparence, l'autrice et son personnage ont des parcours similaires.
« Claire est mon moi augmenté. Elle a mon enfance, mon chemin, mes aspirations, mes échecs, mes espoirs. Elle est
plus forte et plus courageuse que moi. » Comme Claire, Cécile dit détester les convenances et n'aspirer
qu'à la liberté. Elle refuse d'appartenir totalement au monde des élites parisiennes, dans lequel
elle s'est fait une place. « Je suis ce qu'on appelle maintenant un transfuge de classe », confirme-t-elle.
Mais quand nombre de ses contemporains voient dans ce parcours une douleur, elle en tire « une
force, une richesse ». « Ce chemin-là, je ne le vois pas du tout comme une malédiction. Aller ailleurs, revenir à ses
racines aiguise le regard. On a plus d'acuité, à la fois envers le monde d'où on vient et pour celui où on arrive. La
honte dont parle Annie Ernaux est pour moi un moteur. La honte sociale ne disparaît jamais, mais elle est une impulsion.
Elle me fait avancer. On n'arrive jamais. On continue toute sa vie de cheminer »...
Quitte à devenir notaire, autant l'être à Paris, et dans une prestigieuse étude à deux pas des
Champs Élysée. Pendant dix ans, Cécile Guidot travaille rue de la Paix comme notaire assistant
en droit de la famille. Elle gère les successions et les divorces du Tout-Paris. « Mais ceux de personnes
modestes aussi », précise-t-elle. « La Chambre des notaires désigne un notaire pour des majeurs incapables,
des dossiers de successions sans héritier ou des divorces très conflictuels. J'ai accompagné dans leurs divorces des
concierges, des Algériens polygames, avec autant de sérieux et d'engagement que des clients célèbres ». Si le métier
de notaire fut choisi par défaut, elle le dit « extraordinairement beau ». « J'ai adoré mon métier et je crois
l'avoir exercé avec sérieux engagement et humanité. J'ai beaucoup donné de ma personne, de mon temps pour aider
les gens dans ces moments de vie, jusqu'à m'oublier dans la vie des autres ».
Il y a à ce sujet une légère dissonance entre ce qu'elle dit et ce qu'elle écrit. Si, dans ses livres,
Claire Castaigne exerce avec douceur et humanité, elle fait figure d'exception au sein de l'étude.
Dans sa trilogie, des notaires fourbes et menteurs accompagnent des clients hystériques et capricieux.
Les alliances se font et se défont au gré des circonstances, les notaires aspirants à l'association
rivalisent d'imagination pour compromettre leurs rivaux. Elle dit n'avoir « pas beaucoup
inventé » et durcit le trait juste ce qu'il fallait « pour rendre les intrigues plus palpitantes ». On s'en étonne,
alors elle explique. « Dans le notariat, très peu d'élus arrivent au statut de notaire associé. Il faut qu'un notaire
cède ses parts. Cela crée une compétition très forte entre aspirants. Je ne voulais pas passer cela sous silence ».
Les notaires de Cécile Guidot cachent leurs affects et leurs excentricités sous des costumes
sombres. « Ils s'efforcent d'avoir l'air imperturbable, mais c'est un masque. Le notaire n'est pas le personnage lisse
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Droit & Littérature - Numéro 7

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