Revue Droit & Littérature - Revue Droit & Littérature N°7-2023 : Notre Péguy - 230

VARIÉTÉS
Il compte emprunter à sa famille l'avance de son loyer de deux cent cinquante francs (Hortense,
couche-toi là), dépensé pour les frais de la grossesse compliquée de sa femme. Comme son propriétaire
M. Saumâtre refuse tout sursis et menace de saisir son mobilier, il trouve la parade des neuf
jours légalement accordés à une femme enceinte. Cela lui permettra de surseoir au paiement
intégral du loyer et d'emprunter à sa famille. La Brige payera le loyer par traite de vingt sous
hebdomadaires pour se venger du propriétaire.
À chaque fois que La Brige prête de l'argent, c'est à fonds perdu. Il a donné cinq cents francs à
Rambouille incapable de le rembourser, malgré ses relances, car il est insolvable (Les Balances). Le
procès intenté contre lui tourne à l'avantage de Rambouille, et La Brige se trouve piégé. Refusant
de payer 677 francs (soit le principal et les frais de justice de son débiteur)35
, La Brige sera emprisonné
à Sainte Pélagie.
De la même manière, il ne pourra jamais toucher les cent francs prêtés à un ami (La Lettre chargée)
car l'employé des postes refuse de lui donner le mandat par excès de zèle (voir supra).
3.3 Des condamnations coûteuses
La Brige est condamné pour outrage à la pudeur (L'Article 330) parce qu'il s'est exhibé devant
des passants, il lui en coûte treize mois d'emprisonnement et vingt-cinq francs d'amende. Paradoxalement,
le verdict donne pourtant raison à La Brige : « si les juges se mettent à donner gain
de cause à tous les gens qui ont raison, on ne sait plus où l'on va, si ce n'est à la dislocation d'une
société qui tient debout parce qu'elle en a pris l'habitude »36
.
Dans Les Balances, La Brige énumère devant son avocat les amendes, souvent assorties de peine
de prison, dont le chiffre est impressionnant. Il a d'abord été le jouet de deux « amis » malhonnêtes.
L'un lui a emprunté de l'argent se sachant insolvable (Rambouille voir supra), La Brige
fera un mois de prison. L'autre lui a vendu une maison dangereuse, des passants gagnent leur
procès pour blessures par imprudence (ils ont été touchés par des ardoises). Il fera six jours de
prison et paiera mille cinq cents francs de dommage et intérêts. Il a aussi été piégé par un cambrioleur
s'offensant d'être traité de filou, La Brige doit verser vingt-cinq francs d'amende, deux
cents francs de dommage et intérêts, et faire huit jours de prison pour diffamation !
Dans les trois cas, on peut parler de « cul-de-sac juridique » : La Brige, piégé, est injustement
condamné à de lourdes peines. Les litiges ne sont pas de son fait, on pourrait parler de « mensonge
par omission » (insolvabilité, bien invendable ou bien faussement abandonné37
). La justice
connaît les faits et le condamne néanmoins lourdement, c'est la personnalité de La Brige qui
l'incrimine.
35. « La loi voulant que dans les causes entre particuliers, le gagnant paie pour le perdant si le perdant est insolvable » (Les Balances
p. 187).
36. L'Article 330, p. 181.
37. La Brige est traité de filou pour avoir pris un journal traînant sur une table. Il appartenait à un cambrioleur qui se voit traité de
filou à son tour.
230 Droit & Littérature - Numéro 7

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