Revue Droit & Littérature - Revue Droit & Littérature N°7-2023 : Notre Péguy - 241

Le Texte
Par cette citation, l'auteur met en évidence la place de cette technique dans le bon déroulement
du procès et du droit. Plus qu'importante, elle apparaît indispensable en la matière pour éviter le
« n'importe quoi » (B).
A) L'imbrication du droit et de la littérature au travers
de la technique
L'affirmation d'Emmanuel Carrère selon laquelle « la technique est la seule alternative au n'importe
quoi » sous-entend de façon évidente, après lecture de la chronique judiciaire, qu'il est question de
technique juridique. Néanmoins cette citation semble devoir également s'appliquer à la rédaction
de V13. En effet, pour retracer avec succès ce procès très médiatisé sans se contenter de satisfaire
les attentes de l'opinion publique, il n'hésite pas à s'emparer de certains points précis du droit.
Dévoué à la technique, il écrit que « ce qui justifie un tel procès, c'est le respect scrupuleux de la norme de
droit »7
. Il évoque notamment « Le prix des larmes »8
, jolie formulation pour aborder l'indemnisation
des victimes de terrorisme. Pour autant, le contenu n'en est pas moins précis et technique.
Il y est expliqué la nomenclature Dintilhac qui, sans avoir de valeur juridique contraignante9
, est
un guide des indemnisations implicites pour le préjudice corporel. Il développe ensuite « Le prix
des mots » avec le fonctionnement de l'aide juridictionnelle10
, l'angoisse de mort imminente et va
.
jusqu'à citer une jurisprudence de la chambre criminelle pour préciser ses propos11
En outre, le parallèle entre la technique juridique et la technique rédactionnelle induite par la
citation fait écho à celui entre le déroulement du procès et la structure d'un récit. Ainsi l'auteur
compare-t-il le déroulement d'un procès avec celui d'un roman : « la matière est si abondante qu'on
a décidé de la diviser en chapitres, comme un roman »12
, ce qui fait appel à une technique indéniable.
. Le juriste, comme le romancier
Il rappelle cette comparaison plus tard dans sa chronique lorsqu'il écrit que « le principe narratif du
procès était une sorte de chapitrage chronologique, inévitable mais frustrant »13
ou le chroniqueur, doit être organisé, technique, pour permettre un déroulement clair, et éviter
le n'importe quoi.
La citation étudiée souligne donc le lien étroit entre la littérature, le droit et la technique. Indispensable
au droit, cette dernière semble l'être tout autant dans les chroniques judiciaires. Celles de
Pascal Robert-Diard en sont un autre exemple puisqu'elle livre dans Le Monde des récits d'affaires
judiciaires sans jamais en éluder l'aspect technique, de manière à ne pas en dénaturer le sens14
.
De la même façon, les romans abordant le thème du droit ne reculent pas non plus devant les
aspects juridiques et techniques qui en découlent. Tel est le cas de Karine Tuil dans La décision15
7. E. Carrère, op. cit., p. 95.
8. E. Carrère, op. cit., p. 284, p. 301.
9. Cass. crim., 18 février 2014, n° 12-87629.
10. E. Carrère, op. cit., p. 287.
11. E. Carrère, op. cit., p. 301.
12. E. Carrère, op. cit., p. 108.
13. E. Carrère, op. cit., p. 313.
14. P. Robert-Diard, « La jeune fille et l'innocent, histoire d'une accusation de viol qui a duré près de vingt ans », Le Monde, 6 décembre 2022.
15. K. Tuil, La décision, Gallimard, 6 janvier 2022.
Droit & Littérature - Numéro 7 241
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