Bibliothèque de droit public - Tome 332 - Les recours individuels directs devant la juridiction constitutionnelle - 498

498 LES RECOURS INDIVIDUELS DIRECTS DEVANT LA JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE
1013. Ces éléments du contrôle dans le prolongement du mode d'introduction
du recours montrent bien l'équilibre que le juge constitutionnel doit trouver avec
d'une part la résolution d'un conflit de normes et, d'autre part, la protection individuelle
du titulaire du droit de recours. Toutefois, une fois la nature de ce contrôle
posé, il s'agit de savoir quelle est son étendue. Jusqu'à quel point sera poussé l'appréciation
d'éléments factuels pour garantir une protection optimale aux droits subjectifs
du requérant tout en assurant simultanément la conformité juridique objective ?
L'étendue du contrôle au fond sera alors nécessairement pensée en fonction de la
situation casuistique donnée au juge constitutionnel et en considérant les effets qu'auront
sa décision. En d'autres termes, l'étendue du contrôle interroge sur le contrôle
opéré au fond en relation avec les effets futurs de la décision rendue par le juge constitutionnel.
SECTION
2
L'EXTENSION DU CONTRÔLE : DE LA PROTECTION
DES DROITS À LA GARANTIE DE LA CONFORMITÉ
JURIDIQUE OBJECTIVE
1014. Un aspect central de la question de l'étendue du contrôle au fond est en
lien direct avec les développements qui précèdent sur le filtrage189. Face au nombre
pléthorique de recours qui arrivent devant la juridiction constitutionnelle, il est important
de trouver un contrôle dont l'étendue sollicitera le moins longtemps possible et de
la façon la moins invasive possible la juridiction constitutionnelle. La raison qui
motive ces exigences est d'éviter que la juridiction constitutionnelle ne procède à un
traitement généralement trop long des affaires. S'il s'agit d'une simple vérification de
l'application correcte du droit, le contrôle apparaît nettement plus rapide que dans le
cas d'une révision totale ou même partielle de la norme juridique contrôlée. Il en va
ainsi des exigences de procès équitable et, surtout, de délai raisonnable de traitement
des recours. Le choix concernant l'étendue du contrôle au fond de la décision participe
donc à l'objectif plus général de respect des règles générales de procédure et
prolonge les réflexions autour du filtrage des recours individuels directs.
1015. L'idée est de revenir sur la signification du terme utilisé pour décrire la
compétence du juge constitutionnel, à savoir l'« annulation ». Si cette interrogation
peut paraître simpliste ou ne pas appeler plus de réponse que celles déjà apportées,
il se pourrait que justement les réponses restent insuffisantes. En effet, un regard plus
précis et en langue originale sur le texte fondateur de la justice constitutionnelle écrit
par Kelsen permet d'identifier un terme que ce dernier utilise et qui n'est pas le terme
contemporain que les auteurs germanophones utilisent afin de décrire la fonction de la
justice constitutionnelle190 (§ 1). Comprendre comment Kelsen comprenait l'annulation
et si le sens de cette notion a évolué par la suite nous permettra de souligner
certaines différences entre le modèle théorique et la mise en œuvre de celui-ci (§ 2).
189. Cf. supra nº 912 à 940. Ceci explique probablement le rapprochement de la question du filtrage
et celle plus précise de la constitutionnalité de la loi dans l'ouvrage : Emmanuel CARTIER et al., La QPC :
vers une culture constitutionnelle partagée ?, op. cit., 280 p.
190. Hans KELSEN, « La garantie juridictionnelle de la Constitution », op. cit.

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