Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 57

LE MONOPOLE DU REPRÉSENTANT DE LA MASSE
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l'existence de ces créances aliquotes identiques18, certains auteurs ont tiré la notion de
« co-obligataires »19, suggérant l'idée d'une solidarité active entre eux. Or, si les obligataires
d'une même émission ont, certes, un débiteur commun et répondent d'une
« lex contractus » commune, ils ne sont liés les uns aux autres par aucun lien contractuel.
Bien que la société ait recours à un emprunt unique, elle conclut avec chaque
obligataire un contrat particulier20, ne liant aucunement les obligataires entre eux.
L'emprunt obligataire n'est, en ce sens, qu'une « série de contrats juxtaposés », en
vertu desquels « chaque obligataire a les mêmes droits et les mêmes charges »21.
28. Intérêts communs des obligataires - En réalité, la notion de « co-obligataire
» vient surtout mettre en exergue l'idée selon laquelle les obligataires ayant souscrit
au même emprunt partagent le même objectif commun (la parfaite exécution de
l'emprunt et la sauvegarde de droits en résultant22), les mêmes risques (la liquidation
de l'entreprise) et enfin la même fortune, proportionnelle à leur investissement (même
intérêt versé). C'est cette « vérité économique et psychologique sous-jacente »23 qui
préside à la logique de collectivisation du droit des obligataires. La masse instituée
par le décret-loi de 1935 n'est alors que le moyen « d'appréhender juridiquement
cette communauté d'intérêts existant de fait entre les obligataires »24
et ce, dès la
souscription.
Pour autant, l'existence d'intérêts communs est aussi le vecteur de l'unité de la
masse et de son maintien, car si « la masse résulte de cette communauté d'intérêts, elle
est de plus une condition indispensable à sa pérennité »25.L'existence d'intérêts communs
fonde l'action du représentant de la masse, laquelle permet « d'éviter l'éclatement
de la communauté d'intérêts en assurant le maintien des droits identiques qui
sont la source des intérêts communs des obligataires »26.L'action intentée au nom
des obligataires par le représentant de la masse a ainsi des effets sur l'ensemble des
obligataires, et non uniquement sur ceux qui auraient, à défaut de concentration des
actions en une seule main, été à l'origine de sa mise en œuvre. C'est d'ailleurs cette
même logique qui préside à l'article L. 213-6-2 du Code monétaire et financier, repris
du décret-loi du 8 août 1935 sur la force exécutoire des jugements, permettant à toute
décision judiciaire définitive, obtenue par l'un des porteurs d'obligations émises en
France, d'acquérir force exécutoire au profit de tout obligataire qui n'a pas figuré dans
l'instance27.
L'origine des intérêts communs des obligataires ayant été établie, il convient
désormais d'en définir les contours.
18. CORDONNIER P., Le nouveau régime des obligataires ou porteurs de titres d'emprunts, Sirey, 1936,
spéc. nº 2.
19. HUREAU G., Les pouvoirs des assemblées d'obligataires, thèse Paris, 1948, spéc. p. 1.
20. Le contrat de souscription est un contrat synallagmatique dont l'instrumentum est fortement
allégé en l'absence de disposition légale ou réglementaire spécifique sur ce point.
21. AZENCOT F., La protection des porteurs obligataires, thèse Paris, 1938, p. 18.
22. VIANDIER A., note ss. Cass. com., 15juin 1999, JCP E 1999, p. 1488.
23. HUREAU G., Les pouvoirs des assemblées d'obligataires, thèse Paris, 1948, p. 395.
24. NICOD C., L'action en justice pour la défense des intérêts communs des obligataires, Rev. sociétés
2000, spéc. p. 500.
25. NICOD C., L'action en justice pour la défense des intérêts communs des obligataires, Rev. sociétés
2000, spéc. p. 496.
26. Ibid.
27. V. supra nº 7.

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