Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté - Tome 31 - Les droits des obligataires confrontés à la procédure collective de l’émetteur - 60

60 LES DROITS DES OBLIGATAIRES CONFRONTÉS À LA PROCÉDURE COLLECTIVE DE L'ÉMETTEUR
engagées par le représentant au « nom des obligataires »48 pour la défense des intérêts
communs de ces derniers. Doit-on considérer, dès lors, que l'existence de ces intérêts
communs constitue en réalité un intérêt de la masse, justifiant l'action en justice du
représentant de la masse ? La doctrine adopte sur ce point des positions divergentes.
Alors que pour les partisans de cette théorie49, la défense des intérêts communs des
obligataires par le représentant de la masse n'est possible que parce que « l'intérêt
commun s'assimile à l'intérêt de la masse tout entière, en ce qu'elle fédère la communauté
d'intérêts naturelle entre obligataires »50, pour ses opposants51, la notion d'intérêt
commun de l'article L. 228-54 du Code de commerce ne doit pas être réduite à
celle de l'intérêt de la masse, laquelle ne permet pas d'appréhender les diversités de
situation des obligataires52.
Telle n'est d'ailleurs pas la position de la Cour de cassation, qui juge que la disparité
de préjudice entre obligataires n'exclut pas qu'existent entre eux des intérêts
communs à défendre en justice, à même de fonder l'action du représentant de la
masse. Dans le dossier Amrep53, la faute des administrateurs de la société, invoquée
àl'appui de l'action, avait été commise au moment de l'émission des obligations,
tandis que le préjudice subi par chacun des obligataires différait selon la date d'acquisition
des titres. La cour d'appel de Paris avait alors déclaré irrecevable l'action des
représentants de la masse, considérant que l'action n'était pas exercée dans l'intérêt
commun des obligataires de la masse en l'absence d'identité de préjudice. Cet arrêt
fut par suite cassé par la haute juridiction, qui après avoir reconnu que la faute concernait
l'ensemble des souscripteurs, en déduisait l'existence d'un préjudice commun et,
partant, la recevabilité de l'action exercée par le représentant de la masse. L'intérêt
collectif formant un tout, le représentant de la masse n'aurait vraisemblablement pas
eu qualité pour demander réparation du préjudice subi si la loi lui avait confié la
défense de l'intérêt collectif de la masse54.À l'inverse, la disparité de l'étendue du
préjudice entre obligataires n'exclut pas qu'existent entre eux des intérêts communs à
défendre et, partant, la recevabilité de l'action en justice du représentant de la masse.
Dans une approche avant tout pragmatique, l'existence d'intérêts communs favoriserait
ainsi un regroupement des demandes, laissant au juge le pouvoir de statuer, in
fine, différemment sur chacune d'entre elles55. Les éventuels dommages et intérêts
couronnant le succès de l'action engagée par le représentant de la masse sont alors
répartis entre chaque obligataire, en fonction du préjudice subi, à défaut d'être attribués
à la masse, laquelle est dépourvue de patrimoine56.
48. C. com., art. L. 228-54.
49. NICOD C., L'action en justice pour la défense des intérêts communs des obligataires, Rev. sociétés
2000, p. 500.
50. Ibid.
51. GUYON Y., note ss. Cass. com., 15juin 1999, Rev. sociétés 1999, p. 640.
52. Ibid.
53. Cass. com., 15juin 1999, Amrep, nº 96-20843, Bull. civ. V, nº 133, p. 111 : BJB 1997, p. 29, obs.
LE CANNU P. ; BJS 2002, p. 1054, obs. LE CANNU P. ; BJS 1999, p. 915, obs.MERLE P. ; BJB 1999, p. 505,
obs. COURET A. ; LPA 3 nov. 1999, p. 16, obs. COURTIER J.-L. ; RLDA déc. 1999, p. 6, obs. VIGNAL N. ; Rev.
sociétés 1999, p. 640, obs. GUYON Y. ; LPA févr. 2000, p. 12, note ARCHAMBAULT A.-L. ; JCP E 1999, 1488,
obs. VIANDIER A.
54. GUYON Y., note ss. Cass. com., 15juin 1999, Rev. sociétés 1999, p. 644.
55. GUYON Y., note ss. Cass. com., 15juin 1999, Rev. sociétés 1999, p. 644.
56. L'article 241 du décret du 23 mars 1967, abrogé par le décret nº 2007-431 du 25 mars 2007, précisait
ainsi que « la répartition des dividendes convenue dans le concordat ou arrêtés dans le plan de continuation
d'une part, versés en cas de liquidation des biens, de liquidation judiciaire ou de plan de cession de

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