Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 167 - L'abus de droit fondamental - 333

L'ABUS DE DROIT ET LA SIGNIFICATION DES DROITS FONDAMENTAUX
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litigieux29 et le cadre dans lequel elle est exercée30. Réciproquement, du point de vue
des restrictions valides, le port du burkini dans les Alpes-Maritimes ou en Corse ne
constitue pas le même danger pour l'ordre public, si bien que les tenues vestimentaires
manifestant de manière ostentatoire une appartenance religieuse peuvent faire
l'objet d'une interdiction sur les plages de Sisco31, mais non sur celles
de Villeneuve-Loubet32. Tous les contextes ne se valent pas, ils signifient différemment
l'action individuelle en droit. La contextualisation factuelle ouvre la voie à la
signification concrète de l'usage du droit allégué au regard du discours de la fondamentalité.
(2)
Une étape significative (stricto sensu), désignant l'application du système de
signes que constitue le phénomène de la fondamentalité33 au fait contextualisé. L'ordre
discursif de la fondamentalité est effectivement un système signifiant, qui attribue
àl'usage prétendant une information décisive34 quant à son sens en tant qu'exercice
d'un droit fondamental. Par exemple, s'agissant de la liberté d'expression, un interprète
privilégié du discours de la fondamentalité indique, du plus général au plus précis,
qu'il s'agit d'une liberté constituant « l'un des fondements d'une société démocratique,
l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de
chacun ». Elle vaut « non seulement pour les idées accueillies avec faveur ou considérées
comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent
ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population ». Toutefois,
toute personne qui exerce sa liberté d'expression assume des « devoirs et responsabilités
dont l'étendue dépend de sa situation et du procédé technique utilisé »35. Bien
évidemment, en miroir de la situation factuelle à régir, la signification du droit applicable
s'affine. Ainsi, en matière journalistique, la protection de la liberté d'expression
« est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi sur la base
des faits exacts et fournissent des informations " fiables et précises " dans le respect de
la déontologie journalistique ». Ces considérations jouent d'ailleurs « un rôle particulièrement
important de nos jours, vu le pouvoir qu'exercent les médias dans la société
moderne, car non seulement ils informent, mais ils peuvent en même temps suggérer,
par la façon de présenter les informations, comment les destinataires devraient les
apprécier. Dans un monde dans lequel l'individu est confronté à un immense flux
d'informations, circulant sur des supports traditionnels ou électroniques et impliquant
un nombre d'auteurs toujours croissant, le contrôle du respect de la déontologie journalistique
revêt une importance accrue »36. Enfin, suivant l'usage allégué, la
29. Les limites de la critique admissible à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, sont
plus larges qu'àl'égard d'un simple particulier (Cour EDH, 27 oct. 2020, Kiliçdaroglu c/Turquie,
nº 16558/18, § 43), « à la différence du second, le premier s'expose inévitablement et consciemment à un
contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens, et il doit, par
conséquent, montrer une plus grande tolérance » (Cour EDH, 15juin 2021, Ömür Çağdaş Ersoy c/Turquie,
nº 19165/19, § 53).
30. Ainsi, « certaines manifestations du droit à la liberté d'expression qui pourraient être légitimes
dans d'autres contextes ne le sont pas dans le cadre de la relation de travail » (Cour EDH, 15juin 2021,
Melike c/Turquie, nº 35786/19, § 43), supra nº 323 et s.
31. CAA Marseille, 3juill. 2017, Ligue des droits de l'homme, nº 17MA01337.
32. CE, 26 août 2016, Ligue des droits de l'homme et Association de défense des droits de l'homme
et collectifcontre l'islamophobie en France, nº 402742.
33. Supra. nº 20 et s.
34. A. Marmor, S. Soames (dir.), Philosophical Foundations oflanguage in the Law, préc., p. 3.
35. Cour EDH, Handyside c/Royaume-Uni, préc., § 49.
36. Cour EDH [GC], 10 déc. 2007, Stoll c/Suisse, nº 69698/01, §§ 102-104.

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