Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 167 - L'abus de droit fondamental - 62

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L'ABUS DE DROIT FONDAMENTAL
l'Homme a, elle, été élaborée dans un contexte de guerre froide, comme réaffirmation
de la supériorité axiologique de la démocratie libérale sur la dictature du prolétariat49.
La notion de l'abus de droit fondamental jouera d'ailleurs un rôle prépondérant pour
la garantie de cette exigence libérale. Les instants révolutionnaires qui parcourent la
généalogie des droits de l'homme révèlent à l'évidence leur portée politique et leur
rapport intrinsèque au pouvoir. Après la révolution de 1789, les constitutions successives
de la France admettront, pour la plupart, des déclarations de droits. Au fondement
de l'ordre social et politique, le discours des droits de l'homme se positionne
comme le « nouvel idéal de gouvernement des hommes »50, confondant par moments
le souci de justice avec la revendication du bonheur51. Il faut dire que les ambitions
révolutionnaires ne font qu'exprimer de manière emphatique un état d'esprit fondamental
du discours des droits de l'homme : le combat pour les droits.
III. LE COMBAT POUR LES DROITS DE L'HOMME
65. « Ilfaut compter parmi les données permanentes de la réflexion sur le libéralisme
les phénomènes de contestations et de lutte (entre groupes ou individus) dans
l'établissement des frontières des protections collectives, dans l'approfondissement
ou dans la limitation des facultés de choix personnelles »52. La justice des droits de
l'homme ne va pas de soi53, elle est à l'évidence le produit d'une histoire, d'une philosophie,
d'un combat. D. Lochak situe au moment de l'affaire Dreyfus la naissance
d'une cause nouvelle : la défense des droits de l'homme54. Ainsi, en 1898 fut créée
« la ligue pour la défense des droits de l'homme »55 qui symbolisa, sous la
49. J. Lacroix rappelle d'ailleurs que la Convention EDH, comme la DUDH du reste, reçut peu d'application
à ses débuts, que la rhétorique des droits humains fut principalement revendiquée par le personnalisme
chrétien, lui-même assimilé à l'anticommunisme (« Des droits de l'homme aux droits humains ? À
propos de : S. Moyn, The Last Utopia : Human Rights in History, Harvard », La vie des idées [en ligne],
20 oct. 2010).
50. B. Daugeron, « De la démocratie aux droits fondamentaux : transition ou substitution ? » (Les
droits fondamentaux, horizon indépassable du droit constitutionnel ?), Politeia (nº 30), déc. 2016.
51. Ainsi la Déclaration d'indépendance des États-Unis, prélude à la Déclaration des droits aux ÉtatsUnis
comme en France, énonce «We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that
they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and
the pursuit ofHappiness (...). That whenever any Form of Government becomes destructive of these ends,
it is Right of the People to alter or to abolish it, and to institute new Government, laying its foundation on
such principles and organizing its powers in such form, as to them shall seem most likely to effect their
Safety and Happiness »(nous soulignons). De même, l'article 1 de la Constitution du 24juin 1793 prévoyait
que « le but de la société est le bonheur commun ». Au risque, selon E. Kant, du gouvernement
paternel (imperium paternale). « Le concept d'un droit extérieur en général dérive entièrement de celui de
la liberté dans les rapports extérieurs des hommes entre eux, et il n'a rien à voir avec la fin que tous les
hommes poursuivent naturellement (la considération du bonheur) et les moyens d'y arriver, de telle sorte
que cette fin ne doit pas absolument se mêler à cette loi comme raison déterminante. Le droit est la condition
restrictive imposée à la liberté de chacun, de s'accorder avec celle de tous, en tant que cela est possible
suivant une loi générale » (« Du rapport de la théorie à la pratique dans le droit politique » dans F. Worms,
Droits de l'homme et philosophie, préc., p. 192).
52. E. Picavet, La revendication des droits. Une étude de l'équilibre des raisons dans le libéralisme,
Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 263.
53. L. Burgorgue-Larsen, Les 3 Cours régionales des droits de l'homme. In context. La Justice qui
n'allait pas de soi, Paris, Éditions A. Pedone, 2020, 592 p.
54. Cf. not. D. Lochak, « Les droits de l'Homme : arme politique et cause civique », dans Refonder
les droits de l'Homme, préc., p. 293.
55. Cf. not. E. Naquet, Pour l'Humanité. La ligue des droits de l'homme de l'affaire Dreyfus à la
défaite de 1940, PUR, 2014, 688 p.

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