Bibliothèque de droit privé - Tome 633 - Le renouveau de l'action oblique - 143

L'ACTION OBLIQUE, SANCTION DE L'INEXÉCUTION DU CONTRAT
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satisfaction même qu'il attend (autre qu'une somme d'argent) : une prestation personnelle
(obligation defaire), une abstention (obligation de nepasfaire), la propriété
de certains biens (obligation de donner) »166, on devrait en conclure que seul celui
qui a été choisi pour la prestation personnelle, seul le propriétaire du bien à transférer,
et afortiori le débiteur de l'obligation de ne pas faire sont aptes à procurer satisfaction
au créancier.
Pourtant on constate que l'exécution forcée des créances en nature passe bien
souvent par un tiers qui se substitue au débiteur initial, substitution permise par
l'interchangeabilité de la prestation, qu'elle soit fondée sur la chose objet de l'obligation
ou l'absence de caractère personnel de la prestation. La faculté de remplacement
atteste ainsi par exemple que l'exécution peut être le fait d'un tiers167. En permettant
au créancier de s'adresser au tiers qu'est le débiteur du débiteur, l'action oblique
semble relever de la même logique. Il n'en est rien. L'exécution par un tiers procède
finalement de l'exécution par un tiers d'une nouvelle obligation, similaire à celle initialement
contractée. La situation est différente dans l'action oblique car l'inexécution
de l'obligation-source procède de l'inexécution de l'obligation-cible. C'est parce qu'il
s'agit d'obligations qui supposent la passivité du débiteur que leur exécution ne peut
être contrariée que par des tiers. Et que l'action contre le tiers est directement satisfactoire
pour le créancier. À dire vrai, l'action directe aboutit au même résultat par une
technique différente : la création d'un droit direct au paiement qu'il n'est pas nécessaire
de mobiliser ici au regard de la nature de l'obligation.
237. Conclusion du Chapitre 1 - Toute action ayant vocation à satisfaire le
créancier va l'intéresser168. Exactement comme la fongibilité de la monnaie permet
à toute action ayant vocation à faire rentrer une somme d'argent dans le patrimoine
du débiteur d'intéresser le créancier de somme d'argent169, toute action ayant vocation
à satisfaire le créancier d'une obligation en nature va l'intéresser. Comme tout
créancier, le titulaire d'une obligation en nature va d'abord chercher à en obtenir
l'exécution par le débiteur. Cette exécution forcée en nature par le débiteur n'est
cependant pas toujours possible, justifiant alors le recours à un tiers. Encore
convient-il d'expliquer comment la satisfaction du créancier d'une obligation en
nature peut procéder de l'exécution d'une autre obligation. On sait en effet que les
obligations en nature sont définies comme celles procurant au créancier la satisfaction
même qu'il attend170. Dès lors, si une autre prestation est identique à celle promise,
son exécution pourra satisfaire le créancier. C'est sur la création d'une nouvelle obligation
similaire à celle inexécutée que repose le mécanisme du remplacement. À la
différence des obligations pouvant faire l'objet d'une faculté de remplacement, l'obligation
exécutée par voie oblique, en même temps qu'elle est personnelle, ne suppose
pas réellement une activité de ce dernier. Il s'agit en effet d'obligations dont le
166. ASSOCIATION H. CAPITANT, (dir. G. CORNU), Vocabulaire juridique,
167. Sur le fait que le paiement peut être le fait d'un tiers, v. article 1221 du Code civil.
168. À l'instar de la faculté de remplacement qui est fondée sur la fongibilité de l'objet de l'obligation,
on pourrait penser que l'intérêt que le créancier est susceptible de porter à toute action ayant vocation
à le satisfaire repose sur une fongibilité de l'objet de l'action. La fongibilité est cependant réservée aux
choses et ne peut être prise comme synonyme d'interchangeabilité. Au contraire, pour les actions ou
voies de droit, nous verrons que le terme d'équivalence rend davantage compte de la situation.
169. Action en paiement d'une somme d'argent, mais aussi action en annulation d'un bien pour le
réintégrer et exercer ensuite une saisie, action en dommages-intérêts, etc.
170. V. supra, nº 236.

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