Bibliothèque de droit privé - Tome 634 - Les sanctions en droit des sociétés - 308

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LES SANCTIONS EN DROIT DES SOCIÉTÉS
être apportées sur le champ d'application de cette solution. Il est clair, tout d'abord,
qu'elle revêt une portée générale dans la mesure où la Cour de cassation vise, par un
obiter dictum, les membres du directoire alors que l'affaire qui lui était soumise
concernait les membres d'un conseil d'administration103. Cette règle ne concernerait
ensuite véritablement que l'ordre interne, dans la mesure où la responsabilité à l'égard
des tiers, comme nous l'avons vu, repose sur la preuve d'une faute séparable104.
Enfin, cette jurisprudence régit la preuve de la faute et n'entretient donc pas un lien
systématique avec la question de l'éventuelle solidarité des dirigeants déjà
évoquée105. En toute hypothèse, il est clair que cette solution est profondément dérogatoire
par rapport aux principes gouvernant la responsabilité civile et la preuve106.
Elle conduit à établir une véritable présomption de faute individuelle à l'encontre de
tout membre d'un organe collectif, qui l'exhorte en réalité à exercer sa mission avec
une diligence particulière107. En les privant de la possibilité d'invoquer leur passivité
face à l'adoption d'une décision sociale préjudiciable, la Cour de cassation élève les
standards et oblige les dirigeants à surveiller consciencieusement l'activité des autres
membres.
656. Inefficacité du quitus. Le quitus peut se définir comme « un acte par
lequel une personne reconnaît qu'une autre personne qu'elle avait chargé d'une mission
a rempli celle-ci dans des conditions qui la déchargent de toute
responsabilité »108. Cette technique permet ordinairement, en droit privé, de produire
un effet libératoire109. En droit des sociétés, le législateur affiche clairement son hostilité
pour cette pratique, qui permettrait aux dirigeants sociaux de se tirer à bon
compte d'une défaillance dans l'exercice de leur mission. Les textes relatifs à la responsabilité
des dirigeants sociaux proclament en effet qu' « aucune décision de l'assemblée
des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité
contre les gérantspour lafaute commise dans l'accomplissement de leur mandat »110.
L'objectif consiste à éviter que le dirigeant ne profite de sa position pour se prémunir
de toute critique contre sa gestion passée. Cette précaution législative est d'autant plus
sauraient arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes que de
ces communiqués », Cass. com., 9 mars 2010, nº 08-21547, Bull. civ. IV,nº 48 : Bull. Joly, 2010, p. 537,
nº 109, note D. Schmidt ; JCPE., 2010, 1483, note S. Schiller ; Rev. soc., 2010, p. 203, note H. Le
Nabasque ; RTD Com., 2010, p. 407, obs. N. Rontchevsky. Sur l'épilogue de cette affaire, v. Cass. com.,
9janv. 2019, nº 16-23675 : Bull. Joly, 2019, nº 3, p. 6, note J.-F. Barbièri.
103. Sur la portée de cette solution, v. J. Delvallée, La collégialité en droit des sociétés, op. cit.,
p. 482, nº 620. Pour les organes collectifs de la SAS, v. égal. N. Borga, « La responsabilité des organes de
la SAS », op. cit.,nº 12 ; Mémento sociétés commerciales, op. cit., nº 14010.
104. V. supra nº 639. En ce sens, v. égal. J. Delvallée, La collégialité en droit des sociétés, op. cit.,
p. 502, nº 652.
105. Ibid. p. 506, nº 655 et s. L'auteur montre qu'il existe des cas où la solidarité est prévue sans
présomption de faute individuelle (comme les cogérants) et inversement des cas où la faute est présumée
sans que cela n'entraîne de solidarité.
106. En ce sens, v. J.-F. Barbièri, note ss Cass. com., 9janv. 2019, Bull. Joly, 2019, nº 3, p. 6, spéc.
nº 5.
107. Pour des développements fournis sur la responsabilité individuelle des coauteurs d'un acte
résultant d'une décision collégiale, v. J. Delvallée, La collégialité en droit des sociétés, op. cit., p. 475,
nº 604 et s.
108. G. Cornu, Vocabulairejuridique, op. cit., v. Quitus.
109. Pauline Abadie, « Le quitus », RTD Com., 2017, p. 501 et s., spéc. nº 44 et s.
110. C. civ., art. 1843-5 al. 3 (droit commun) ; C. com., art. L. 223-22 al. 5 (SARL), L. 225-253 al. 2
(SA). Ces dispositions résultent initialement de l'article 4 du décret du 31 août 1937 modifiant divers articles
de la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions. Elles forment « le socle du principe de l'indisponibilité
légale de l'action sociale », v. Ibid., nº 49.
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