Bibliothèque de droit international et droit de l'Union européenne - Tome 138 - La contribution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à la protection des droits des détenus - 313

LES MÉCANISMES CONTENTIEUX : LES COMMUNICATIONS INDIVIDUELLES
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invoqué au niveau de la recevabilité, celui relatif au délai de saisine a dans certains
cas, constitué un motif d'irrecevabilité137.
1026. L'analyse des communications rendues en début d'exercice montre que la
Commission a fait preuve d'une flexibilité et une appréciation variée de ce critère138.
En effet, alors que la Charte exige la soumission de la requête dans un délai raisonnable,
la Commission va parfois apprécier de manière souple ce critère et dans d'autres,
ne pas l'exiger. Selon cette dernière, une telle approche se justifie par le fait que
« là où il existe une bonne raison impérieuse soutenant pourquoi un plaignant n'a pas
introduit sa plainte (...) pour examen, la Commission a la responsabilité, dans un souci
d'équité et de justice, de donner à ce plaignant l'occasion d'être entendu »139. Dans sa
jurisprudence, la Commission assouplit le critère dans deux hypothèses qui concernent
les disparitions forcées (a) et les recours internes anormalement prolongés (b).
a) En cas de disparitions forcées
1027. Un des domaines dans lesquelles la Commission n'a pas exigé le respect
du critère du délai raisonnable concerne les disparitions forcées. Il en fut ainsi dans
l'affaire 205/97, Mouvement Burkinabé des droits de l'Homme c/Burkina Faso, introduite
devant la Commission plus de 12 ans après les disparitions forcées et 10 ans
après la plainte introduite le 16 octobre 2002 devant la Cour suprême Burkinabé. La
Commission a conclu à la recevabilité de la communication, sans analyser expressément
la question du délai de saisine140. En réalité, cette dernière se trouvait dans une
hypothèse dans laquelle elle n'avait pas nécessairement besoin d'analyser ce délai de
saisine raisonnable, vu que les faits litigieux concernaient des disparitions forcées,
considérées comme des infractions continues141,c'est-à-dire qui se poursuivent tant
que l'on n'aura pas de nouvelles des disparus, ou que l'on n'aura pas la preuve de leur
mort142. Dans cette hypothèse, il est admis que le délai de saisine court, non pas à
compter de la disparition mais plutôt, à compter du jour où l'on aura des nouvelles
du sort des personnes disparues. Ainsi, de manière pratique, tant que les disparitions
forcées se poursuivent, le délai de saisine ne peut commencer à courir.
1028. Ce faisant, en admettant une plainte pour des faits portés à sa connaissance
12 ans après la disparition, la Commission applique la tendance jurisprudentielle
137. ACmHPR, communication 414/12, Lawyers for Human Rights (...) c/Swaziland du 24juillet
2013.
138. ACmHPR, communication 288/04, Gabriel Shumba c/Zimbabwe ; 310/05, Darfur Relief (...)
c/Soudan.
139. Ibidem.
140. La Commission semble toutefois justifier sa démarche par le fait que le plaignant ait initié des
recours qui se sont révélés inefficaces et aussi par le non-aboutissement du règlement amiable sollicité par
les deux parties. Voir la Communication 204/97, Mouvement burkinabè des droits de l'Homme c/Burkina
Faso, §. 35.
141. LOUCAIDES Loukis G., « The concept of continuing violation of Human rights », in Paul
Mahoney, Franz Matscher, Herbert Petzold, Luzius Wildhaber (eds), Protection des droits de l'Homme :
la perspective européenne, Mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, Carl Heymanns Verlag KG, Berlin,
2000, p. 803-815 ; ALTIPARMAK Kerem, " The application of the concept of continuing violation to the
duty to investigate, prosecute and punish in international Human rights Law " , Turkish Yearbook ofHuman
rights Law, vol. 21-25 (1999-2004), p. 3-50. BENZIMRA-HAZAN Jérôme, « Disparitions forcées de personnes
et protection du droit à l'intégrité : la méthodologie de la Cour interaméricaine des droits de
l'Homme », Rev. trim. dr. h. (47/2001), p. 775.
142. Ibidem. Cour IADH, arrêt Manfredo Velasquez Rodriguez c/Honduras, précité, §. 155-157 et
181.

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