Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 72 - La consommation de l'infraction - 106

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LA CONSOMMATION DE L'INFRACTION
de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou
un délit est réduite si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis
de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou
d'identifier les autres auteurs ou complices »272. Cette disposition ne s'appliquant
que « dans les cas prévus par la loi », un tel mécanisme doit alors être spécialement
envisagé au titre de l'infraction considérée. En ce sens, l'article 221‑5‑3 du Code
pénal, par exemple, prévoit, que « la peine privative de liberté encourue par l'auteur
ou le complice d'un empoisonnement est ramenée à vingt ans de réclusion criminelle
» s'il a permis d'éviter la mort de la victime. Ici, l'empoisonnement est par
hypothèse consommé, mais le fait que l'auteur ait finalement empêché la survenance
du décès de la victime - c'est‑à‑dire le dommage redouté - justifie une réduction de la
peine encourue273. Au demeurant, l'article 132‑78 du Code pénal prévoit également,
dans son premier alinéa, une exemption de peine au profit de l'auteur d'une tentative
qui aura notamment évité la « réalisation de l'infraction ». L'article 221‑5‑3 prévoit
alors que l'auteur d'une tentative de meurtre est exempt de peine s'il a permis d'éviter
la mort de la victime274. Mais le champ d'application de cette disposition laisse
quelque peu dubitatif: quand une tentative peut‑elle être punissable alors que son
auteur a volontairement empêché la consommation de l'infraction ? N'est‑ce pas là
un désistement volontaire empêchant la caractérisation de la tentative275 ?
155. Il est regrettable ici que l'article 132‑78 du Code pénal n'ait pas employé le
terme de « consommation ». Il lui a préféré celui de « réalisation » de l'infraction dans
son premier alinéa, pourtant relatif à la tentative. Il pourrait alors être tentant de nier le
lien entre la constitution de l'infraction et la consommation. La pleine constitution de
l'infraction serait désignée par la « réalisation », tandis que la consommation renverrait
simplement à la survenance du dommage redouté. Ce seuil du dommage redouté
aurait ici une importance puisque tant que l'infraction ne serait pas consommée, la
peine encourue pourrait être réduite si l'auteur parvenait à l'empêcher en vertu du
deuxième alinéa de l'article 132‑78. Pourtant, une telle interprétation paraît hautement
fragile au regard de l'histoire de la notion. La portée d'une consommation ainsi définie
semble limitée. D'une part, il existe encore peu d'infractions pour lesquelles cette
exemption légale est prévue. Pour bon nombre d'infractions, elle paraît même inenvisageable.
Il en est ainsi des infractions matérielles - àl'image du meurtre - constituées
par la survenance du dommage redouté. D'autre part, il est impossible de
272. C. pén., art. 132‑78, 2º.
273. V. également l'article 450‑2 du Code pénal qui prévoit cette fois‑ci une exemption de peine au
profit de la personne qui « ayant participé au groupement ou à l'entente définis par l'article 450‑1 [...] a,
avant toute poursuite, révélé le groupement ou l'entente aux autorités compétentes et permis l'identification
des autres participants ».
274. C. pén., art. 221‑5‑3, 1º : « toute personne qui a tenté de commettre les crimes d'assassinat ou
d'empoisonnement est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis
d'éviter la mort de la victime et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices ».
275. V. not. C. SAAS, art. préc., nº 26‑28. Pour conférer à cette disposition une réelle portée, il faut
probablement admettre que l'auteur n'a pas « averti » l'autorité publique de manière totalement spontanée.
En somme, il s'agirait du cas où l'auteur d'une tentative préviendrait les autorités après avoir été interpelé.
La seule interpellation de l'individu alors qu'il tentait de commettre l'infraction ferait alors obstacle à la
caractérisation d'un désistement volontaire. V. également S. GRUNVALD, « À propos de l'élément matériel
de l'infraction : quelques questions de frontières », in Le champ pénal, Mélanges R. Ottenhof, Dalloz,
2006, p. 137‑138 (l'auteur fait la suggestion d'une application de l'exemption de peine par rapport au délit
d'association de malfaiteurs : l'individu ne serait pas coupable de la tentative envisagée, mais ne pourrait
pas non plus être puni sur le fondement de ce délit).
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