Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 72 - La consommation de l'infraction - 168

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LA CONSOMMATION DE L'INFRACTION
dans le vol, il est nécessaire et suffisant de constater un acte de soustraction d'une
chose appartenant à autrui. Nul besoin de vérifier un quelconque lien de causalité
entre cet acte et une atteinte à la propriété, cet acte étant précisément une telle atteinte.
Voir dans toutes les infractions matérielles - ou, afortiori, dans toutes les infractions
- l'exigence d'une causalité constitutive procède d'une conception excessivement
extensive de la notion de résultat pénal. L'identification d'un lien de causalité au
sein de la constitution de toutes les infractions matérielles n'est alors permise que
par l'assimilation contestable du résultat pénal à l'atteinte à l'intérêt protégé ou au
« dommage redouté »275. Pourtant, il paraît difficilement contestable de relever que
le juge ne se posera aucune question relative à la causalité afin de caractériser de
nombreuses infractions matérielles. La différence entre des infractions telles que le
vol ou la non‑représentation d'enfant et des infractions telles que le meurtre ou l'extorsion
se perçoit très bien. D'aucuns le reconnaissent d'ailleurs, tout en conservant
une présentation systématique de la causalité276.
249. Dans les infractions reposant sur l'incrimination d'un résultat pénal en
revanche, la question de la causalité représente un enjeu majeur. Ce dernier apparaît
en effet comme une situation de fait extérieure à l'agent et formellement distincte de
ses actes. Or, en vertu du principe à valeur supra‑législative du caractère personnel de
la responsabilité pénale, « nul n'est responsable pénalement que de son propre
fait »277. Dès lors, seule l'existence d'un lien de causalité entre l'acte de l'agent et le
résultat pénal peut rendre légitime la présence de ce dernier au sein même de la structure
de l'infraction, et permettre ainsi de reprocher pénalement à l'agent la survenance
d'une situation qui lui est pourtant extérieure278. En outre, les résultats pénaux semblent
toujours apparaître comme une situation « neutre » prise isolément. Le décès
d'une personne, la remise d'un bien ou encore la survenance de blessures ne provoquent
un trouble à l'ordre public que parce qu'ils sont causés par quelqu'un. En d'autres
termes, c'est notamment279 le lien de causalité avec l'acte de l'agent qui confère
au résultat incriminé sa coloration pénale.
250. Ainsi, il apparaît d'ores et déjà que, s'agissant d'un certain nombre d'infractions
- les infractions‑obstacle et les infractions matérielles ne comportant pas de
résultat pénal - la causalité ne pose aucune difficulté puisque tout lien de causalité
constitutif semble inexistant faute de résultat pénal. Qu'en est‑il des infractions traditionnellement
qualifiées de formelles ? La question semble se poser en des termes
légèrement différents : il importe alors de ne pas confondre causalité, simple potentialité
causale et totale indifférence à la question de la causalité.
251. Les infractions formelles, entre « potentialité »280 et indifférence causale.
- D'éminents auteurs ont pu affirmer que « l'infraction formelle est en relation
275. Y. MAYAUD, « Quelle certitude pour le lien de causalité dans la théorie de la responsabilité
pénale ? », art. préc., p. 477.
276. V. not. J.‑C. SAINT‑PAU, « Les causalités dans la théorie de l'infraction », in Mélanges
J.‑H. Robert, op. cit., p. 682, nº 7 : « cette question passe largement inaperçue dans les infractions simples,
qui ne supposent que la réalisation d'un acte unique, car la constatation de l'acte implique ipsofacto celle
du résultat et ainsi du lien de causalité ».
277. C. pén., art. 121‑1. V. not. Cons. const., 16juin 1999, nº 99‑411 DC.
278. V. not. P.‑A. BON, La causalité en droit pénal, op. cit., nº 54, p. 21.
279. Peut‑être l'élément moral contribue‑t‑il à conférer à ce résultat pénal une coloration pénale.
280. Y. MAYAUD, « Quelle certitude pour le lien de causalité dans la théorie de la responsabilité
pénale ? », art. préc., p. 478.
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