Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 72 - La consommation de l'infraction - 326

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LA CONSOMMATION DE L'INFRACTION
idem. Selon celle-ci, les « faits qui procèdent de manière indissociable d'une action
unique caractérisée par une seule intention ne peuvent donner lieu, contre le même
prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent‑elles
concomitantes »139. Et très vite, la formule a semblé s'imposer en jurisprudence140.
Or, il est frappant de constater que la Cour de cassation évoquait « des faits » -
c'est-à-dire une pluralité de faits -, avant de les unir en une « action unique » à partir
du constat de l'existence d'une seule intention141. Ce pluriel évoquait plus le concours
réel d'infractions que le concours idéal de qualifications142. Il permettait en tout cas à
la Cour de cassation d'imposer un choix en faveur d'une qualification unique dès lors
que les deux infractions envisagées s'inscrivent dans un même projet délictuel, peu
important qu'elles puissent reposer sur des faits matériellement identiques ou non143.
Un auteur listait ainsi un certain nombre d'hypothèses où la Cour de cassation a pu
refuser une pluralité de qualifications pour un tel motif: ce fut le cas « à propos des
délits de recel et de blanchiment, d'abus de biens sociaux et d'auto‑blanchiment
d'abus de biens sociaux, de violences volontaires " composées " des délits de faux et
usage, dénonciation mensongère, menaces de mort et appels téléphoniques malveillants,
ainsi que pour un double abus de confiance et une double diffamation
publique »144. À compter de 2016, la jurisprudence acceptait donc, le cas échéant,
de cantonner à une qualification unique des faits matériellement distincts, mais liés
les uns aux autres par un même projet délictuel.
449. Par un arrêt du 15 décembre 2021 cependant, la Cour de cassation opéra un
important revirement de jurisprudence145. Dans cette affaire largement commentée, il
139. Cass. crim., 26 oct. 2016, nº 15‑84.552, Bull. crim. nº 276, RSC 2016, p. 778, obs.
H. MATSOPOULOU.
140. V. not. 25 oct. 2017, nº 16‑84.133, Dr.pén. 2018, nº 1, comm. nº 1, note P. CONTE ; 24janv.
2018, nº 16‑83.045, Bull. crim. nº 22, RSC 2018, p. 412, obs. Y. MAYAUD ; 3 mai 2018, nº 17‑82.034,
Dr.pén. 2018, nº 7‑8, comm. nº 122, note P. CONTE. Comp. : Cass. crim., 19 déc. 2018, nº 17‑80.163 ;
30janv. 2019, nº 13‑81.257 et 16‑85.919. La formule sonnait-elle le glas de l'ancien critère relatif aux
valeurs sociales ? Si certains semblaient le penser (v. not. É. CLÉMENT, AJ pén. 2018, p. 196, obs. ss.
Cass. crim., 24janv. 2018, préc.), d'autres auteurs se montraient plus réservés (v. not. E. DREYER,
«L'usage de faux permettant l'escroquerie ne s'ajoute pas à elle », Gaz. Pal. 2018, nº 27, p. 47, note ss.
Cass. crim., 3 mai 2018, préc.). Il faut dire que la formule repose, notamment, sur le constat préalable
d'une « intention coupable » unique, là où la pluralité de valeurs sociales atteintes permettait, lorsqu'elle
se doublait d'une pluralité d'intentions, une dualité de qualifications. Les deux solutions pouvaient donc
avoir vocation à coexister (v. par ex. Cass. crim., 16janv. 2019, nº 17‑80.576).
141. Par essence, la notion d'action est plus large que celle d'acte (v. not. L. ROUSVOAL, op. cit.,
nº 385 et s., p. 200 et s.).
142. V. not. P. CONTE, « Non bis in idem », Dr.pén. 2018, nº 1, comm. nº 1, note ss. Cass. crim.,
25 oct. 2017, préc. ; L. SAENKO, loc. cit., qui relève que « c'est bien cette notion d'action unique qui,
dans l'arrêt commenté, permet à la Cour de cassation de transformer en concours idéal de qualifications
ce qui, en théorie, aurait dû se solder par un concours réel d'infractions ».
143. Ainsi, lorsque la Cour de cassation ne retient que la qualification de blanchiment au détriment
de celle de recel, l'hypothèse ressemble trait pour trait à un concours réel d'infractions puisque ces deux
infractions se distinguent matériellement. Mais elle a également pu adopter semblable formulation - et viser
« des faits » au pluriel - alors qu'il ne semblait n'y avoir qu'un seul fait matériel commun aux deux qualifications
en concours (v. P. CONTE, « Concours réel et idéal d'infractions », Dr.pén. 2018, comm. nº 60,
note ss. Cass. crim., 16janv. 2018, nº 17‑82.220, et autres).
144. L. SAENKO, « Non bis in idem, le faux, l'usage de faux et l'escroquerie », RTD com. 2018,
p. 227, obs. ss. Cass. crim., 25 oct. 2017, préc. À cette liste, il convient bien sûr d'ajouter l'interdiction du
cumul entre faux, usage de faux et escroquerie objet du commentaire.
145. Cass. crim., 15 déc. 2021, no
21-81.864, D. 2022, p. 154, note G. Beaussonie ; JCP G. 2022,
p. 132, note N. Catelan ; Dr.pén. 2022, comm. nº 23, note P. Conte ; Gaz. Pal. 2022, nº 3, p. 21, note
R. Parizot.
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