Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 72 - La consommation de l'infraction - 340

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LA CONSOMMATION DE L'INFRACTION
décès seraient causés par un même acte, il semble ne devoir y avoir qu'un unique
meurtre. Il est vrai qu'en matière non intentionnelle, la jurisprudence tend à adopter
une solution inverse et retenir une pluralité d'infractions lorsque, par une faute
unique, l'agent fait plusieurs victimes188. La Cour de cassation a pu admettre que
l'auteur d'un accident ayant fait plusieurs victimes soit reconnu coupable d'homicide
involontaire ainsi que des délit et contravention de blessures involontaires : la jurisprudence
semble caractériser autant d'infractions que de victimes189. Une telle solution
est à ce point hétérodoxe que la Cour de cassation déroge aux règles traditionnellement
retenues en matière de concours réel d'infractions - par les articles 132‑3du
Code pénal - ainsi qu'en matière de cumul idéal de qualifications190. Dans un cas
comme dans l'autre, la juridiction de jugement peut normalement prononcer des peines
au titre de chacune des infractions caractérisées, sous cette seule limite que les
sanctions prononcées n'excèdent pas le maximum légal encouru191. En outre, l'article
132‑7 du Code pénal prévoit que les amendes contraventionnelles se cumulent
entre elles, et avec celles prononcées pour des crimes et délits en concours. Tout en
admettant la pluralité de déclarations de culpabilité, la Cour de cassation considère
pourtant qu'« une faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule
peine », et que « le délit d'homicide involontaire et les contraventions de blessures
involontaires, qui [procèdent] d'une même action coupable, ne [peuvent] être punis
séparément »192. La doctrine relève que cette solution particulière de la Cour de cassation
est manifestement guidée par des considérations procédurales liées à une
volonté d'assurer la constitution de partie civile de chaque victime193.L'interdiction
d'une punition séparée des différentes infractions révèle le malaise de la Cour de cassation.
Elle est un aveu implicite que pareille hypothèse ne doit pas normalement se
routiers », l'agent ayant essayé de les percuter avec son véhicule). Si le pluriel est employé pour évoquer les
homicides volontaires, le singulier est privilégié pour évoquer « le crime » : il n'y avait qu'une seule infraction
de tentative de meurtre.
188. Les dommages subis par les victimes ne sont pas nécessairement similaires. Mais ces différents
résultats pénaux paraissent de même nature, leur différence n'étant qu'une différence de degré. Le décès de
la victime et les interruptions temporaires de travail de plus et de moins de 3 moins ne sont qu'une manière
de quantifier l'atteinte à l'intégrité de la victime.
189. V. not. Cass. crim., 16 mai 1984, nº 84‑90.052, Bull. crim. nº 182 ; 22 févr. 1995, nº 94‑82.102,
Bull. crim. nº 80, RSC 1996, p. 116, obs. B. BOULOC ; 8 mars 2005, nº 04‑83.341, Bull. crim. nº 78, RSC
2005, p. 557, obs. Y. MAYAUD ; 11 mai 2010, nº 09‑85.130, Dr. soc. 2010, p. 1122, obs. F. DUQUESNE ;
24 oct. 2017, nº 16‑85.506, JT 2018, nº 204, p. 15, obs. X. DELPECH.
190. L'hypothèse envisagée correspond‑elle à un concours réel d'infractions ou à un cumul idéal de
qualifications ? Elle semble intermédiaire, chaque qualification retenue possédant un fait commun à l'autre,
mais aussi un fait distinct.
191. Plus précisément, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, la juridiction de
jugement ne peut en prononcer qu'une seule de cette nature dans la limite du maximum le plus élevé.
192. Cass. crim., 11 mai 2010, préc. En l'espèce, la cour d'appel n'avait pourtant prononcé qu'une
peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour les délits et deux amendes de 1 000 euros pour les
contraventions. L'homicide involontaire étant puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 euros
d'amende (C. pén., art. 221‑6), elle aurait donc parfaitement respecté la limite tenant au maximum légal
prévu pour chaque peine de même nature.
193. En ce sens, v. not. R. MERLE, A. VITU, op. cit., t. 1, nº 399, p. 522. La doctrine ne manque pas
de souligner la vacuité de ce prétexte - l'unicité infractionnelle ne faisant pas obstacle à la constitution de
partie civile de toutes les victimes atteintes directement dans l'accident - ainsi que la solution en
elle‑même. En ce sens, v. not. P. BONFILS, E. GALLARDO, « Concours d'infractions », Rép. dr. pén. et
proc. pén., nº 38 ; O. DÉCIMA, S. DETRAZ, É. VERNY, op. cit., nº 291, p. 159, qui dénoncent un « prétexte
fragile » ; A. DECOCQ, op. cit., p. 141.

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