Bibliothèque des sciences criminelles - Tome 72 - La consommation de l'infraction - 541

LA CONSOMMATION DE L'INFRACTION, SOURCE DE RESPONSABILITÉ PÉNALE
II. LA CULPABILITÉ ET SA DÉCLARATION JUDICIAIRE
723. Aux yeux du législateur, il semble que la culpabilité naisse dès la consommation
de l'infraction. Ce ne serait pas du jugement de condamnation lui‑même
qu'elle procéderait, mais bien directement de la consommation. Une telle présentation
peut paraître cohérente. L'infraction constitue le fait générateur de la responsabilité
pénale. Or la culpabilité fait figure de composante de cette dernière. Elle doit donc
certainement naître dès la consommation de l'infraction. Cette présentation doit toutefois
impérativement être précisée. L'importance de la déclaration judiciaire de
culpabilité ne peut être occultée. En effet, si la culpabilité peut être perçue comme
un état acquis dès la consommation de l'infraction, cet état n'est encore que virtuel
(A). Sa déclaration judiciaire est alors nécessaire non seulement pour lever la présomption
d'innocence, mais aussi, de manière plus substantielle, pour formaliser la
réprobation sociale qui lui est attachée (B).
A. LA CULPABILITÉ, UN ÉTAT VIRTUELLEMENT ACQUIS
DÈS LA CONSOMMATION DE L'INFRACTION
724. La culpabilité selon le législateur, un état né dès la consommation de
l'infraction ? - Il est vrai qu'en vertu de la présomption d'innocence, la culpabilité de
l'auteur des faits doit être « établie »153 ou « déclarée »154 par l'autorité judiciaire. La
culpabilité pourrait ainsi correspondre à l'état de la personne dont la participation à la
commission d'une infraction aurait été reconnue en justice. Le législateur ne semble
toutefois pas concevoir la culpabilité ainsi. Un certain nombre de dispositions tendent
à démontrer qu'à ses yeux, la culpabilité naîtrait dès la consommation de l'infraction ;
elle trouverait en elle sa souche. L'article 113‑5 du Code pénal prévoit, par exemple,
que la loi pénale française est applicable à quiconque « s'est rendu coupable » sur le
territoire de la République, comme complice, d'un crime ou d'un délit commis à
l'étranger155. Puisqu'il s'agit de déterminer la loi pénale compétente pour juger
l'agent, celui‑ci n'a, par hypothèse, pas encore fait l'objet d'un jugement de condamnation.
D'autres dispositions évoquent également la « reconnaissance » de la culpabilité
de l'auteur, qu'elle émane de ce dernier - comme dans le cadre de la procédure sur
reconnaissance préalable de culpabilité156 - ou de l'autorité judiciaire à l'occasion du
jugement de condamnation157. Pour être « reconnue », la culpabilité ne doit‑elle pas
préexister à la décision judiciaire ou même à l'aveu de l'auteur ? Enfin, l'article L. 159
du Code du service national prévoit qu'« est coupable de non‑exécution de mission du
service de l'aide technique ou du service de la coopération et passible [de deux ans
d'emprisonnement] tout jeune homme affecté à l'un de ces services qui, hors le cas de
force majeure, n'obtempère pas à une injonction, faite par l'autorité française qualifiée,
d'accomplir la mission générale ou particulière qui lui est confiée dans le
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153. C. proc. pén., art. prél., III.
154. DDHC, art. 9.
155. La formulation est fréquente en matière de compétence (v., par ex., C. proc. pén., art. 689‑9:
« peut être poursuivie et jugé dans les conditions prévues à l'article 689‑1 toute personne coupable d'un
crime ou d'un délit d'acte de terrorisme défini par les articles 421‑1 et 421‑2 du Code pénal [...] »).
156. C. proc. pén., art. 495‑7et s.
157. V., par ex., C. pén., art. 122‑8, qui prévoit que les mineurs capables de discernement sont responsables
pénalement des infractions « dont ils ont été reconnus coupables ».
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