Bibliothèque de droit privé - Tome 637 - Une limite à l'exécution forcée du contrat : la disproportion manifeste de l'article 1221 du Code civil - 301

LE RAPPORT DE PROPORTIONNALITÉ EN LUI-MÊME
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matière internationale il est question de droits qui ne sont pas disponibles146. Plus
généralement, diverses décisions récentes témoignent du fait que le juge semble être
dans l'obligation de relever d'office la règle de droit applicable qui serait d'ordre
public147. Le lien ainsi tissé entre ordre public substantiel et relevé d'office s'explique
aisément : « [u]ne loi d'ordre public est par définition une loi dont l'application
échappe au pouvoir des parties. Celles-ci ne devraient pas avoir la faculté de l'écarter
en ne l'invoquant pas à l'appui de leur demande. L'effectivité de la règle d'ordre
public suppose que le juge ait le devoir de relever d'office son application »148.
679. Lorsque le juge décide de relever d'office un moyen de droit applicable au
litige, ses mains ne sont pas totalement libres. D'abord, il doit respecter le principe du
contradictoire qui est l'un des principes directeurs du procès : le juge « ne peut fonder
sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable
invité les parties à présenter leurs observations » (art. 16, al. 3 CPC)149. En pratique,
il s'agit d'organiser entre les parties un débat quant à l'application d'office de la règle
envisagée, un tel débat pouvant prendre la forme orale lors de l'audience. Dans le
cadre du contrôle de l'exécution forcée, ce débat serait l'occasion pour les parties
d'insister soit sur l'intérêt que le créancier nourrit pour la sanction, soit sur le coût
qu'elle engendre pour le débiteur. Ensuite, le juge est contraint par le principe dispositif
que posent les articles 4 et 5 du Code de procédure civile : le juge ne peut modifier
l'objet du litige tel que fixé par les parties et, partant, amender le résultat initialement
recherché par elles.
680. En définitive, si le juge peut relever d'office une règle de droit applicable,
il n'a pas en principe le devoir de le faire. Partant, si le juge du fond omet de relever
d'office une règle de droit pourtant applicable au litige, les parties ne peuvent obtenir
de la Cour de cassation la censure de la décision. Même si cette solution fait l'objet de
critiques, il s'agit désormais de l'appliquer au sujet de la présente étude, à savoir la
disproportion manifeste de l'exécution forcée.
2. Lafaculté de relever d'office la disproportion manifeste de l'exécution forcée
681. Simple possibilité de relever d'office la disproportion manifeste de
l'exécution forcée : absence de commandement formel. Les précédents développements
ont mis en évidence qu'en principe le juge avait simplement la faculté de relever
d'office un moyen de droit ; il est contraint de le faire seulement dans certains cas
particuliers. Parmi ces cas particuliers, il est celui du commandement formel adressé
au juge de relever d'office le moyen de droit applicable omis par les parties. C'est le
législateur qui formule ce commandement à l'endroit du juge. À titre d'illustration,
l'article R. 632-1 du Code de la consommation dispose que « [l]e juge peut relever
146. Cass. 1re civ., 28juin 2005, nº 00-15734.
147. Cass. 1re civ., 19 février 2014, nº 12-23519, Gaz. Pal. 25-27 mai 2014, p. 38, obs. L. Mayer
(application d'office des règles relatives à la garantie légale de conformité) ; Cass. ch. mixte, 7juillet
2017, nº 15-25651, JCPG 2017, 1355, obs. R. Libchaber (application d'office des règles relative aux produits
défectueux) ; Cass. 2e
civ., 5juillet 2018, nº 17-19738, Gaz. Pal. 27 novembre 2018, p. 66, obs.
L. Mayer ; D. 2019, p. 1196, obs. M. Bacache (application d'office des règles de la loi du 5juillet 1985
relative aux accidents de la circulation).
148. M. Bacache, obs. sous Cass. 2e
civ., 5juillet 2018, nº 17-19738, préc. Contra F. Eudier, « Ordre
public substantiel et office du juge : l'application d'office de la loi du 5juillet 1985 », in Mélanges en
l'honneur du Professeur Suzanne Carval, IRJS, 2021, p. 351.
149. Sur la mise en œuvre de la règle, v. C. Chainais, F. Ferrand, L. Mayer et S. Guinchard, Procédure
civile, op. cit., nº 891 et s., p. 670 et s.

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