Bibliothèque de droit privé - Tome 637 - Une limite à l'exécution forcée du contrat : la disproportion manifeste de l'article 1221 du Code civil - 53

L'IDENTIFICATION DU CONTRÔLE
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janusien de la clause pénale »20, tiraillée entre une fonction comminatoire21
et une
fonction réparatrice22,il s'agit plutôt d'envisager le contrôle judiciaire de cette clause
généralement entendue comme celle par laquelle les contractants évaluent forfaitairement
et par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution
contractuelle23. Ce contrôle judiciaire de la clause pénale n'est en rien une constante
historique : l'article 1152 du Code civil de 1804 disposait ainsi que « [l]orsque la
convention porte que celui qui manquera à l'exécution paiera une certaine somme à
titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une sommeplusforte
ou moindre » (nous soulignons). C'est le pullulement de clauses pénales prévoyant
des montants excessifs, essentiellement dans des contrats qui prenaient les atours
des contrats d'adhésion d'aujourd'hui24, qui a appelé une intervention du
législateur25. La loi du 9juillet 1975 modifiant les articles 1152 et 1231 du Code
civil sur la clause pénale est ainsi venue ajouter un second alinéa à l'ancien article
1152 du Code civil qui disposait dès lors que « le juge peut modérer ou augmenter
la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire »26.
Dix ans plus tard, le même texte fut modifié afin d'assurer une plus grande efficacité
au pouvoir modérateur du juge sans en affecter la teneur. En effet, la loi nº 85-1097 du
11 octobre 1985 relative à la clause pénale et au règlement des dettes a indiqué que le
juge pouvait exercer, même d'office, son pouvoir modérateur. La réforme du droit des
contrats n'a pas modifié ce pouvoir : le deuxième alinéa de l'article 1231-5 du Code
civil continue de prévoir que « le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la
pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».
58. Caractère quantitatif du contrôle judiciaire de la clause pénale. L'étude
du pouvoir modérateur du juge en matière de clause pénale laisse apparaître qu'il
effectue à cette occasion un contrôle reposant sur l'idée de proportionnalité qui peut
également être vu comme quantitatif. L'assertion pourrait surprendre, tant la consécration
du pouvoir modérateur précité paraît reposer sur « l'idée d'équité »27, laquelle
semble éloigner le contrôle d'une logique mathématique. En vérité, la précédente
remarque vaut essentiellement pour la seconde étape du contrôle, à savoir l'appréciation
de l'écart entre les deux termes du rapport de proportionnalité. En effet, la jurisprudence
de la Cour de cassation entend davantage donner un premier tour objectif au
20. B. Boccara, « La réforme de la clause pénale : conditions et limites de l'intervention judiciaire »,
JCPG 1975, I, 2742, spéc. nº 19.
21. V. not. J. Mestre, « La notion de clause pénale et de ses limites », RTD civ. 1985, p. 372 ;
G. Paisant, « Dix ans d'application de la réforme des articles 1152 et 1231 du Code civil relative à la clause
pénale (loi du 9juillet 1975) », RTD civ. 1985, p. 647, spéc. nº 32 ; D. Mazeaud, La notion de clause
pénale, op. cit., spéc. nº 258 et s., p. 142 et s.
22. Cass. 3e
civ., 26janvier. 2011, nº 10-10376 ; JCPG 2011, 323, nº 15, obs. H. Périnet-Marquet.
23. V. not. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Les obligations, op. cit., nº 888, p. 996.
24. Cass. com., 10 juillet 1972, D. 1972, jurispr. p. 728, note Ph. Malaurie : dans un contrat de leasing,
clause pénale prévoyant, outre la restitution du matériel loué, le versement « à titre d'indemnité de
résiliation [d']une somme égale aux 4/5e
s des loyers restant à courir sur la location ».
25. Cela malgré l'ancien article 1231 du Code civil qui disposait que « [l]a peine peut être modifiée
par le juge lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie ». Il faut dire que la Cour de cassation a
considéré que le texte était supplétif de la volonté des parties, de sorte que les rédacteurs pouvaient indiquer
que le forfait stipulé ne pouvait donner lieu à modification (sur la question, v. B. Boccara, « La liquidation
de la clause pénale et la querelle séculaire de l'article 1231 du Code civil », JCP 1970, I, 2294).
26. Loi nº 75-597 du 9juillet 1975 modifiant les articles 1152 et 1231 du Code civil sur la clause
pénale.
27. F. Chabas, « La réforme de la clause pénale », D. 1976, chron. 229, spéc. p. 234.
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