Bibliothèque de droit privé - Tome 626 - La liberté et l’ordre public contractuels à l’épreuve des droits fondamentaux - 667

LA PROPORTIONNALITÉ DE LA RENONCIATION, CONDITION DE VALIDITÉ OBJECTIVE
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la même intensité que celle qui est conférée au droit fondamental, cela ne remet pourtant
pas en cause le principe d'une mise en balance des intérêts.
b) La supériorité relative des droits fondamentaux : la mise en balance des intérêts
1201. Contrôle de proportionnalité et mise en balance des intérêts. Pour certains
auteurs, le recours à une règle de préférence abstraite, qui revient à confronter un
principe (la protection du droit fondamental) à son exception (l'ingérence dans le droit
fondamental au nom d'un intérêt légitime), se distinguerait du raisonnement fondé sur
la balance des intérêts. La mise en balance devrait ainsi être réservée aux conflits de
droits fondamentaux, tandis que le contrôle de proportionnalité s'appliquerait aux
conflits opposant un droit subjectif à un intérêt légitime465. Seule la balance serait
en effet en mesure d'assurer une prise en compte égalitaire des droits en conflit, tandis
que la proportionnalité, en favorisant le droit restreint, serait attachée à la résolution
des conflits marqués par un déséquilibre466. La Cour européenne avait d'ailleurs noté,
dans son arrêt Sunday Times, que l'article 10 § 2 de la Convention ne conduisait pas à
opérer un « choix entre deux principes antinomiques », mais qu'il mettait en jeu « un
principe - la liberté d'expression - assorti d'exceptions qui appellent une interprétation
étroite »467. Elle rappelle pourtant, dans le même arrêt, qu'elle est « appelée à
mettre en balance les intérêts en présence et à en évaluer le poids respectif». Tout
en reconnaissant une préférence à la liberté d'expression sur l'intérêt étatique concurrent,
la Cour européenne procède donc à une pesée des intérêts. Loin d'exclure la
technique de la balance, la préférence reconnue à l'un des intérêts en conflit conduit
plutôt à la faire « pencher » dans un sens ou dans l'autre468.
465. Pour une distinction de la méthode de la pondération des intérêts de celle de la proportionnalité,
v. not. F. RIGAUX, La protection de la vie privée et des autres biens de la personnalité, Bruylant, 1990,
spéc. p. 214, nº 150. L'auteur considère que les conflits de droits fondamentaux (par exemple le conflit
entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d'expression) doivent se résoudre au terme d'une
pondération des intérêts en présence et non sur le modèle classique du contrôle de la proportionnalité de
la restriction au regard d'un but légitime (fondé sur la clause d'ordre public de l'article 10 § 2 CEDH). Pour
une analyse proche au regard de la jurisprudence de la Cour européenne, v. P. DUCOULOMBIER, thèse
préc., spéc. nº 600, p. 396. V. néanmoins l'analyse critique de S. VAN DROOGHENBROECK, thèse préc.,
spéc. nº 137, p. 113 : « L'on n'aperçoit pas, en effet, en quoi la pondération des intérêts prônée se distingue,fonctionnellement,
d'un " classique " contrôle de proportionnalité (...) ».
466. Fondée sur un raisonnement consistant à confronter un principe (la protection du droit) à son
exception (l'atteinte au droit), la proportionnalité semble plus adaptée aux rapports hiérarchiques verticaux
et moins aux rapports horizontaux. C'est pourquoi la Cour européenne fait plus souvent référence au juste
équilibre s'agissant de contrôler le respect des obligations positives. Néanmoins, la proportionnalité pourrait
s'appliquer aux relations horizontales lorsqu'elles sont affectées d'un élément hiérarchique (notamment
les relations du travail). En ce sens v. Th. LÉONARD, Conflits entre droits subjectifs, libertés civiles et
intérêts légitimes, thèse préc., spéc. p. 630 s. Pour l'auteur, la proportionnalité, en ce qu'elle est destinée
à la résolution de conflits marqués par un déséquilibre, ne peut permettre de résoudre qu'un conflit opposant
un droit subjectif et un intérêt légitime. En revanche, c'est la méthode de l'« équilibre » qui devra être
préférée pour la résolution de conflits opposant des libertés civiles entre elles, thèse préc., spéc. p. 655.
Certains auteurs considèrent que c'est l'application du test de nécessité aux conflits de droits qui pose particulièrement
problème, dans la mesure où il est structuré autour de l'opposition entre un principe et une
exception, qui n'a pas de sens dans le cadre d'un conflit de droits. V. en ce sens O. DESCHUTTER et
F. TULKENS, « Rights in conflict : the European Court of Human Rights as a Pragmatic institution », in
Conflicts between Fundamental Rights, E. BREMS (éd.), 2008, p. 169 s., spéc. p. 190.
467. CEDH, 26 avril 1979, Sunday Times c/Royaume-Uni, préc., spéc. § 65.
468. En ce sens P. DUCOULOMBIER, thèse préc., spéc. nº 793, p. 530.
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