Bibliothèque de droit privé - Tome 626 - La liberté et l’ordre public contractuels à l’épreuve des droits fondamentaux - 94

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LA LIBERTÉ ET L'ORDRE PUBLIC CONTRACTUELS À L'ÉPREUVE DES DROITS FONDAMENTAUX
amèneront à concilier la liberté contractuelle avec le principe de sauvegarde de la
dignité de la personne humaine (a), avant de la confronter au principe de responsabilité
(b).
a) La conciliation entre la liberté contractuelle et un droit fondamental non
spécifiquement contractuel : l'exemple de la dignité
120. En raison de « l'infinie richesse des situations dans lesquelles il peut
émerger »278, le contentieux contractuel est souvent l'occasion d'une confrontation
entre la liberté contractuelle et d'autres droits fondamentaux n'intéressant pas directement
la matière contractuelle. C'est le cas du principe de dignité de la personne
humaine, qui a été particulièrement mobilisé face à la liberté contractuelle. En effet,
l'importance des droits dérivés du principe de la dignité humaine279 lui permet de
jouer un rôle aussi bien au stade de la formation du contrat (i) que de son exécution
(ii).
i. Dignité humaine etformation du contrat
121. La liberté de déterminer le contenu du contrat. Au stade de la formation
du contrat, le principe de dignité de la personne humaine a d'abord conduit à une
limitation de la liberté de déterminer le contenu du contrat.
122. L'indisponibilité du corps humain. Lors de son contrôle de la constitutionnalité
des lois bioéthiques de 1994, le Conseil constitutionnel va induire du préambule
de la Constitution du 27 octobre 1946 un principe de dignité de la personne
humaine280. Il juge que les dispositions législatives en cause énoncent un certain
nombre de principes, à savoir « la primauté de la personne humaine, le respect de
l'être humain dès le commencement de sa vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence
de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine »,
qui « tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la
dignité de la personne humaine »281. Les articles 16-5 et 16-7 du Code civil issus de
cette loi, prohibant les conventions de mères porteuses et énonçant le principe de nonpatrimonialité
du corps humain, sont donc déclarés conformes à la Constitution282.Le
Conseil constitutionnel admet ainsi « que la liberté contractuelle puisse totalement
278. C. PÉRÈS, « La question prioritaire de constitutionnalité et le contrat », art.préc., spéc. nº 10.
279. Ce qui en fait un «principe matriciel » selon B. MATHIEU, « Pour une reconnaissance de " principes
matriciels " en matière de protection constitutionnelle des droits de l'homme », D. 1995, p. 221 s.
280. Cons. const., 27juillet 1994, nº 94-343/344 DC, Loi relative au respect du corps humain et loi
relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la
procréation et au diagnostic prénatal, Rec. p. 100, D. 1995, p. 237, note B. MATHIEU et p. 205, chron.
B. EDELMAN.
281. Cons. 18. Pour une première confirmation de la valeur constitutionnelle du principe de la dignité
de la personne humaine, v. Cons. const., 27juin 2001, nº 2001-446 DC, Rec. p. 74. Pour d'autres confirmations
de ce principe constitutionnel, v. infra nº 871.
282. Pour M. G. Rouhette il s'agit d'une forme de « " constitutionnalisation " du droit privé », car le
droit civil protégeait déjà le droit au respect de la vie privée et au respect de l'intégrité physique,
v. G. ROUHETTE, « Le droit privé dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », in La légitimité de
lajurisprudence du Conseil Constitutionnel, G. DRAGO, B. FRANCOIS, N. MOLFESSIS (sous dir.), Economica,
1999, p. 39 s., spéc. p. 39-40. Dans un arrêt d'assemblée plénière en date du 31 mai 1991, la Cour
de cassation avait d'ailleurs déjà jugé, au visa des articles 6 et 1128 du Code civil, que « la convention par
laquelle unefemme s'engage,fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à
sa naissance, contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de
l'état des personnes », Cass. ass. pl., 31 mai 1991, Bull. civ. nº 4, GAJC, tome 1, op. cit., nº 51.
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