Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 166 - Les dispositions inexploitées de la Constitution de 1958 - 230

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LES DISPOSITIONS INEXPLOITÉES DE LA CONSTITUTION DE 1958
compétence du Parlement73. Pourtant, auparavant, la loi d'habilitation74 avait été
déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel75. Cette décision
du juge constitutionnel signifiait que l'ordonnance pouvait bel et bien porter sur le
domaine de l'aménagement du temps de travail. Ainsi, en refusant de signer cette
ordonnance pour le motif indiqué, le président de la République avait indirectement
rejeté l'interprétation du Conseil constitutionnel. Dans le même sens, il est fréquent
que les parlementaires s'offusquent de l'interprétation que le Conseil constitutionnel
retient de certaines dispositions constitutionnelles. Les parlementaires ont, par exemple,
contesté l'interprétation restrictive du droit d'amendement par le Conseil constitutionnel,
toutes obédiences politiques confondues76.
460. Il en résulte que la portée de l'interprétation du Conseil constitutionnel se
pose aussi bien par rapport aux juridictions ordinaires suprêmes que par rapport aux
pouvoirs publics. La problématique de l'autorité de l'interprétation se décline pratiquement
dans les mêmes termes par rapport à ces deux types de destinataires des
décisions du Conseil constitutionnel. Au sujet du Conseil d'État et de la Cour de cassation,
l'enjeu est de savoir si l'absence de hiérarchie juridictionnelle les reliant au
Conseil constitutionnel est synonyme de l'inexistence d'une autorité interprétative.
Le concept de « hiérarchie juridictionnelle » ne peut pas être employé s'agissant des
pouvoirs publics car ils ne sont pas des juridictions comme le Conseil constitutionnel.
Pour autant, l'enjeu reste le même pour tous les destinataires des décisions du Conseil
constitutionnel. Il s'agit de savoir si l'interprétation constitutionnelle s'impose aux
autres interprètes de la Constitution. De la même manière qu'on se demande si le
Conseil d'État et la Cour de cassation, qui ne sont pas des subordonnés du Conseil
constitutionnel, sont obligés de respecter l'interprétation de celui-ci, on peut s'interroger,
par exemple, sur l'attitude que devrait avoir le président de la République vis-àvis
de cette interprétation constitutionnelle en sachant que, au même titre que la Haute
instance, le chef de l'État est aussi gardien de la Constitution77.D'ailleurs, la doctrine
s'est intéressée aux rapports que doivent entretenir les deux gardiens de la
Constitution78. À ce sujet, la question qui se pose est de savoir si le président de la
République, qui assure aussi le rôle de gardien de la Constitution, est lié par l'interprétation
du Conseil constitutionnel.
461. La problématique demeure identique sur le fond : il n'existe pas de hiérarchie
organique entre le Conseil constitutionnel et les juridictions ordinaires suprêmes,
alors qu'il semble incohérent que le Conseil d'État et la Cour de cassation ne soient
73. V. l'interview du président Mitterrand le 14juillet 1986.
74. Loi nº 86-793 du 2juillet 1986 autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre
économique et social, JO du 3juillet 1986 p. 8240.
75. Décision nº 86-207 DC du 26juin 1986 sur la loi autorisant le gouvernement à prendre diverses
mesures d'ordre économique et social, JO du 27juin 1986, p. 7978.
76. V. J.-L. Warsmann, « Rapport nº 892 fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi
constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, », enregistré à la présidence de
l'Assemblée nationale le 15 mai 2008, p. 327 et s. ; J.-J. Hyest, « Rapport nº 387 fait au nom de la commission
des lois du Sénat sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve
blique », Annexe au procès-verbal de la séance du 11juin 2008, p. 43.
77. V. l'article 5 de la Constitution de 1958.
78. Sur ce point, V. Ch. Gusy, « Le juge constitutionnel et " gardien de la Constitution " », in
C. Grewe, O. Jouanjan, É. Maulin, P. Wachsmann (dir.), « La notion de " justice constitutionnelle " », Dalloz,
coll. « Thèmes et commentaires », 2005, pp. 161-172 ; J. Benetti, « Existe-t-il deux gardiens de la
Constitution ? Les fonctions d'arbitre du président de la République et du juge constitutionnel », art. cité.
Répu
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