Bibliothèque constitutionnelle et de science politique - Tome 166 - Les dispositions inexploitées de la Constitution de 1958 - 28

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LES DISPOSITIONS INEXPLOITÉES DE LA CONSTITUTION DE 1958
En outre, cette durée n'est pas pertinente lorsqu'une disposition constitutionnelle
ne peut techniquement pas être mise en œuvre à cause de l'inaction du législateur
organique. Dans ce cas, le non-usage est intrinsèque à la disposition et doit être
abordé peu importe le temps écoulé. Concernant ce dernier point, on pense au dispositif
du référendum d'initiative partagée issu de la réforme constitutionnelle de 2008
dont la loi organique d'application n'a été adoptée qu'en 201359.
Au regard de ce qui précède, on peut dire que le temps n'est rédhibitoire pour
reconnaître une disposition inexploitée que lorsque la durée écoulée est raisonnablement
trop courte pour envisager une application de la disposition au regard de son
objet. Une dernière précision s'impose eu égard à cette conclusion. En effet, il ne
serait pas inutile, en abordant telle catégorie de dispositions inexploitées, de s'intéresser
à une disposition récente lorsque celle-ci présente des similitudes avec les dispositions
de ladite catégorie. Ainsi, il aurait été possible, peu après la révision constitutionnelle
de juillet 2008, d'intégrer la procédure du référendum d'initiative partagée
dans la catégorie des dispositions inexploitées du fait des conditions de mise en œuvre
excessivement contraignantes60.Il s'agit dans ce cas d'une disposition inexploitée par
ricochet.
17. En second lieu, et dans le prolongement de ce qui précède, l'isolement du
critère temporel est un prétexte pour aborder spécialement des difficultés qu'il pourrait
poser en tant qu'un élément de définition de l'inexploitation. La principale difficulté
de ce critère tient à son imprécision. L'on s'interroge sur la durée moyenne
d'inapplication d'une disposition pour que l'inexploitation soit constituée. En réalité,
cette difficulté est intrinsèque au critère temporel et cela ne constitue point un défaut.
Le fait qu'il soit relativement imprécis n'est pas suffisant pour l'écarter de la définition
du champ de l'analyse. Et pour cause, l'importance du critère temporel dans une
réflexion scientifique résiderait moins dans sa précision, que dans sa pertinence, voire
dans sa nécessité. Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de définir la « disposition
inexploitée » sans mentionner le temps, alors que celui-ci ne peut pas être
converti en une durée exacte61. Le critère temporel révèle ainsi un choix subjectif
par nécessité.
18. La durée de l'inexploitation varie d'une disposition à une autre. Elle peut
être longue ou courte et même nulle. En tous les cas, cette durée est toujours instinctivement
évoquée dans l'analyse. Les questions qui se posent à l'égard d'une
59. Loi organique nº 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution,
JO nº 0284 du 7 décembre 2013, p. 19937, texte nº 1. Dans le même sens, la procédure de destitution
du président de la République ne pouvait pas être appliquée à la suite de la loi constitutionnelle nº 2007-238
du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution car la loi organique portant les modalités
de sa mise en œuvre étant manquante. La loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution
ne sera adoptée qu'en 2014 (Loi organique nº 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application
de l'article 68 de la Constitution), soit plus de 7 ans après.
60. Sur le caractère contraignant de la procédure du référendum d'initiative minoritaire,
V. notamment F. Hamon, « Le référendum d'initiative partagée sera bientôt opérationnel mais l'on s'interroge
encore sur son utilité », RFDC, 201, pp. 253-268 ; « La nouvelle procédure de l'article 11 : un vrai
faux référendum d'initiative populaire », in J.-P. Camby, P. Fraisseix, J. Gicquel (dir.), La Révision de
2008 : une nouvelle Constitution ? LGDJ, 2011, pp. 43-56.
61. Une disposition qui n'a pas ou plus été utilisée, par exemple, depuis 5 ans peut être qualifiée de
disposition inexploitée au même titre qu'une autre qui est restée lettre morte pendant 20 ans. Le temps est
relatif et doit être apprécié au cas par cas. Il n'y a aucune utilité à fixer une durée précise pour déterminer le
non-usage.

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